Cinéma

Paysage conjugal – sur The Power Of The Dog de Jane Campion

Critique

Treize ans après la sortie de Bright Star, The Power Of The Dog, huitième long métrage de Jane Campion, est diffusé sur Netflix. En adaptant le roman de Thomas Savage, la cinéaste néo-zélandaise explore pour la première fois le western, genre par définition américain. Kirsten Dunst y joue une épouse spectrale, dévitalisée par le harcèlement quotidien dont elle est l’objet. Ce portrait de femme fantôme rejoint l’album de famille de la réalisatrice qui n’a eu de cesse de dépeindre des héroïnes complexes depuis ses premiers courts métrages au début des années 1980.

«Phil se chargeait toujours des castrations ; il tranchait d’abord l’enveloppe du scrotum et la jetait de côté ; il pressait ensuite le premier, puis le second testicule vers le bas, incisait la membrane couleur arc-en-ciel qui l’entourait, l’arrachait et le jetait dans le feu où rougeoyaient les fers à marquer. » D’un geste sûr, Phil, patron pervers d’un ranch prospère incarné par Benedict Cumberbatch attrape et tranche les testicules de taureaux dans The Power Of The Dog.

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Le film de Jane Campion nous fait entrer dans la réussite d’un couple de frères, vieux garçons partageant encore, à 30 ans passés, leur chambre d’enfants, et convoyant un millier de têtes de bétail dans les grandes plaines du Montana. La cinéaste n’a pas choisi d’ouvrir sa dernière œuvre comme le faisait Thomas Savage, auteur du roman éponyme paru en 1967, par la mutilation des bovins. Elle a relégué cette séquence bien plus loin dans le récit. On imagine pourtant à quel point la cinéaste a pu être saisie par la portée symbolique de l’incipit de ce roman crépusculaire.

Un monde sans femmes

L’avènement de l’entreprise familiale coïncide avec la fin d’un monde sauvage exclusivement masculin. George (Jesse Plemons) assure la modernité du ranch tandis que son frère Phil est depuis toujours le garant d’une tradition transmise par son mentor, Bronco Henry, figure mythique dont il chérit le souvenir et qui les a « élevés comme des loups ».

En se mariant soudainement avec Rose, veuve qui tient un restaurant et élève Pete, adolescent fragile, George finit d’achever l’embourgeoisement de son mode de vie. L’arrivée d’une épouse dans la luxueuse demeure des deux frères en termine avec une époque où les femmes échangent aux hommes, contre argent et protection, les facilités dont ils ont besoin en étant restauratrices, prostituées ou gouvernantes. Pervers, Phil se vengera de Rose en lui opposant un harcèlement de chaque instant.

En faisant de ce conflit entre les Abel et Caïn du Montana le chant du c


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