Peindre le temps – sur « David Hockney. A Year in Normandie »
« Dans la Bible et d’autres textes anciens, tout lieu important est un jardin. Où préféreriez-vous vivre ? Où voudriez-vous être ? »
David Hockney[1]
Début mars 2019, le peintre anglais David Hockney s’installe dans sa propriété de « La Grande Cour », acheté sur un coup de tête, non loin de Beuvron-en-Auge dans la campagne normande. En décembre 2019, il commence à peindre sur iPad une année de paysage autour de son terrain, soit 220 peintures jusqu’en janvier 2021. Quatre heures de neige tombée miraculeusement l’aideront à finir son cycle.
Outre trois grands formats composés de peinture par iPad au rez-de-chaussée, l’œuvre principale de son exposition au musée de l’Orangerie à Paris est une composition en frise de ses peintures d’iPad imprimée sur un papier de 90 mètres de long sur 1 mètre de haut, disposée en U et simplement titrée A year in Normandie.

On y retrouve les quatre saisons, les maisons normandes à colombages un peu biscornues du XVIIe siècle, les arbres fruitiers, les rivières, les cabanes, le gui dans les branches, l’humidité, le gel, le gris et les arbres épanouis du printemps. Les couleurs franches et acides explosent sur le long rouleau accroché sur un mur gris foncé, violacé. Les gestes amples d’Hockney, très musicaux, en ligne de force un peu tremblante, font ressembler l’ensemble à un feu d’artifice frais et joyeux.
À l’instar de Michel-Ange, qu’on découvre progresser à la fresque en quatre ans d’un bout à l’autre de son plafond de la chapelle Sixtine, on sent qu’Hockney a gagné en réalisme au deux tiers de son aventure picturale, notamment dans le traitement des cours d’eau, des meules ou de la pluie proche du traitement du peintre japonais Hiroshige.
Hockney a toujours dû se faire une place à part, entre un goût pour la figuration et la pression moderniste de son milieu artistique.
« L’appareil photo voit les choses d’une façon géométrique alors que notre façon de voir est psychologique[2]. » Ce n’est pas tant l’espace qui se déploie