Retour à la nuit – sur Guerre de Louis-Ferdinand Céline
La parution, ce 5 mai, des feuillets de Guerre de Louis-Ferdinand Céline est-elle un événement littéraire ? Elle pose, en tout cas, d’innombrables questions auxquelles l’édition proposée ne permet guère de répondre. La première a trait à l’histoire de ce texte que l’écrivain lui-même avait évoqué dans sa correspondance. Depuis Chicago, et dans le contexte de sa rupture avec Elisabeth Craig, Céline écrivait le 14 juillet 1934 : « […] Je vais faire paraître un premier livre dans un an c’est décidé – Enfance – la guerre – Londres ».

Quelques jours plus tard, le 23, probablement devant l’ampleur prise par le projet, il avait décidé de découper l’œuvre en une trilogie. Le premier volume, consacré à l’enfance et baptisé Mort à crédit, serait publié par son éditeur, Robert Denoël, aux conditions dictées par Céline : « Sinon pas plus de Mort à crédit que de beurre au cul ».
La rédaction des pages qui nous occupent fut donc vraisemblablement antérieure à l’été 1934, l’écrivain s’absorbant ensuite entièrement dans l’écriture de Mort à crédit, publié en mai 1936. Il s’agit aussi d’un premier jet, probablement jamais retravaillé, que ses éditeurs ont choisi d’intituler Guerre.
On peut s’interroger sur les premiers mots tracés par Céline (« Pas tout à fait ») en haut du premier feuillet manuscrit, numéroté « 10 », qui ne figurent plus dans le volume imprimé. Pourquoi ? N’aurait-il pas fallu préciser cet écart, respecter scrupuleusement ce commencement et poser la question du sens à lui donner plutôt que de procéder à cette coupe sauvage ?
Les feuillets de Guerre, Céline, devenu entretemps l’une des figures centrales de l’antisémitisme de plume, les avait abandonnés en juin 1944 en fuyant son appartement parisien de la rue Girardon par crainte des représailles de la Résistance. Il avait aussi laissé derrière lui les manuscrits dont Gallimard annonce la parution prochaine, Londres et La Volonté du roi Krogold à l’automne 2022, puis la version complète de Casse-pipe en 20