Lire, s’instruire, écrire – sur Rêver en temps de guerre de Ngũgĩ wa Thiong’o
Il faut saluer l’heureuse initiative de Vents d’ailleurs, maison d’édition spécialisée en littérature étrangère (notamment francophone), et en particulier de sa collection « Pulsations » dirigée par Jean-Pierre Orban, d’avoir, par la récente parution de Rêver en temps de guerre, enrichi le modeste répertoire accessible en langue française de l’œuvre de l’auteur maintes fois nobélisable[1] Ngũgĩ wa Thiong’o. Outre quelques parutions anciennes et en partie épuisées[2], notons que la maison d’édition Passage(s) – également spécialisée en littérature africaine et des îles – avait déjà entrepris, il y a quelques années, de combler cette inexplicable rareté, dans la sphère francophone, de l’œuvre de cet écrivain majeur de la littérature mondiale. Citons aussi la très bienvenue traduction, par un autre écrivain, Sylvain Prudhomme, du plus célèbre essai du penseur kenyan, Decolonizing the Mind.

Un peu comme l’avait fait en son temps un livre d’un autre style, Congo. Une histoire de David Van Reybrouck[3], Rêver en temps de guerre ouvre une lucarne lumineuse sur une histoire de l’Afrique méconnue en France, ici celle de l’Afrique de l’Est, notamment de la longue guerre d’indépendance du Kenya qui opposa colons britanniques et rebelles Mau Mau de 1952, début de l’état d’urgence, à la déclaration de l’indépendance en 1963. Le genre autobiographique qu’adopte l’écrivain en ne se départant jamais du regard naïf, aussi vif que tendre, de l’enfant qu’il était, rend cette histoire accessible au lecteur néophyte et curieux. Elle intéressera également les connaisseurs de la région pour la richesse historique du témoignage que sont ces mémoires d’enfance.
Un Pays dans la brume
C’est de la brume qu’émergent progressivement, de chapitre en chapitre, les contours du pays natal, aux yeux de l’enfant Ngũgĩ dont le regard s’aiguise peu à peu au fur et à mesure des années. L’auteur, qui grandit à Limuru, en pays gikuyu au centre du pays, insiste à plusieurs reprises sur le caractèr