Prendre forme – sur la série Better Call Saul
Ce n’est pas dans un tribunal, mais au milieu du désert que James Morgan McGill (Bob Odenkirk) livre sa première grande plaidoirie. Les circonstances, il est vrai, invitent à l’éloquence. Le revolver du sanguin Tuco Salamanca (Raymond Cruz) est pointé sur sa tête. Pris pour un policier par le baron de la drogue, l’avocat tente de prouver son identité. Pourquoi ne pas examiner ses connaissances juridiques – en exceptant le droit des contrats, qu’il maîtrise mal ? Un paquet d’allumettes portant son nom et son slogan (« a lawyer you can trust ») pourrait offrir un autre gage. Mais voilà que la morsure d’une pince lui fait soudain changer de stratégie. Il est Jeffrey A. Steele, agent du F.B.I. infiltré dans le cadre de l’opération « Kingbreaker ». Le plus judicieux serait de le relâcher immédiatement.

Il faudra l’intervention de Nacho Varga (Michael Mando), le lieutenant de Tuco, pour débrouiller le vrai du faux. Plus lucide, il sait qu’une parole recueillie sous la contrainte ne peut être que douteuse. Après un rapide conciliabule entre trafiquants, McGill est libéré. Laissant derrière lui ses associés du moment, deux petits arnaqueurs spécialisés dans la simulation d’accidents, il fait quelques pas, soulagé mais indécis. Jimmy, c’est sa grandeur, ne saurait parler que pour lui. Sa profession est même de parler pour les autres.
Est-ce un scrupule qui le retient ? Sans doute. Autant, néanmoins, qu’un goût du défi et un sens – sinueux, mais profond – de la justice. Demi-tour, donc. Celui-ci est le premier d’une longue série, dont certains seront davantage prémédités – lorsque Jimmy sait que, dans son dos, l’on hésite, l’on délibère. La manœuvre, simple et efficace, se paye en général d’un sourire retenu lorsque la pression discrètement appliquée porte à la décision espérée. Rien de tel ici. L’avocat se lance sans filet. Sa courte détention lui a toutefois permis de se faire une idée de Tuco. Violent, oui. Imprévisible, certainement. Mais l’homme a une vér