Faire théâtre – à propos d’Iliade & Odyssée de Pauline Bayle
Le spectacle commence dehors, devant le Théâtre public de Montreuil dont Pauline Bayle a pris la direction en janvier. On a dit aux gens d’attendre là, sur le parvis. C’est dimanche, il fait beau, ils croient faire la queue mais rien ne se passe. Quelqu’un dans la foule se met à parler fort. On n’y prête pas attention. Mais il continue. Peu à peu les conversations s’interrompent. Les gens écoutent. C’est Agamemnon qui harangue les Grecs. Ailleurs dans la foule, une femme lui répond. Elle grimpe sur une table pour dire sa colère. C’est Achille. Agamemnon s’est attribué d’autorité une part de son butin, une Troyenne faite prisonnière quelques jours plus tôt, Briséis. Les deux hommes s’invectivent.

Une voix les coupe, les rappelant à leurs devoirs. C’est Ulysse. Il se présente puis énonce les noms de ceux qui sont venus combattre à leur côté. C’est le célèbre « catalogue des vaisseaux » qui clôt le chant II de L’Iliade. Tout en énumérant les noms des chefs grecs et le nombre de leurs navires, il fend la foule et regarde tour à tour les personnes qu’il croise comme si nous étions les Grecs assemblés sous les remparts de Troie, comme si nous avions notre mot à dire dans le conflit opposant Achille à Agamemnon.
Sylvie Perceau l’a montré dans un livre qui a fait date[1] : les catalogues chez Homère ne sont pas des listes objectives et anonymes mais des adresses, des modes de partage de la parole. Ils relèvent toujours d’une interaction située. Cette ouverture sur le parvis du théâtre est une manière de rejouer cette oralité première du poème, sa dimension interlocutoire que nos habitudes de lecture, silencieuse et introspective, ont fait disparaître.
Le catalogue terminé, nous entrons dans le théâtre. Ce dimanche, les deux pièces sont au programme. L’Odyssée succèdera à L’Iliade, reprenant l’ordre de leur création, en 2015 et en 2017. Malgré leurs différences, les deux spectacles forment clairement un diptyque. On y retrouve les mêmes principes de mise en scène,