Série TV

Documenter le réel, imprimer la légende – sur la série Le Monde de demain

Critique

Mini-série produite pour Arte, Le Monde de demain raconte l’invention, à la fois collective et singulière, de Suprême NTM. En cadrant le récit sur une décennie et une communauté de personnages, Katell Quillévéré et Hélier Cisterne contournent l’aporie du biopic, qui a la vanité de réduire une existence à quelques épisodes significatifs, pour entrelacer la création d’un groupe avec d’autres destins moins fortunés et plus largement la reconstitution d’une époque et d’un courant artistique, le hip hop, qui en synthétise l’énergie.

«Je n’ai rien inventé, c’était dans l’air », disait Louis Lumière à propos du cinématographe à la fin de sa vie après avoir pourtant passé des décennies à écrire sa propre légende d’inventeur des images animées. C’est un semblable esprit de contradiction qui baigne la mini-série de Katell Quillévéré et Hélier Cisterne diffusée par Arte. Le rap français était dans l’air à la fin des années 1980 quand le groupe Suprême NTM a enregistré son premier titre.

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En 6 épisodes de 52 minutes, Le Monde de demain raconte cette invention, à la fois collective et singulière. Le trajet va de la première étincelle – Daniel Bigeault qui n’est pas encore DJ Dee Nasty découvre les sessions en plein air de la scène hip hop de Los Angeles – jusqu’à la sortie par la major Sony (via son label Epic Records) d’Authentik, maxi de NTM qui devient un succès grand public puisque 70 000 exemplaires s’écoulent dès les premiers mois. En cadrant leur récit sur une période d’une décennie et sur une communauté de personnages, les deux réalisateurs contournent l’aporie du biopic, qui a la vanité de réduire une existence à quelques épisodes significatifs, pour entrelacer la création d’un groupe avec d’autres destins moins fortunés et plus largement la reconstitution d’une époque et d’un courant artistique qui en synthétise l’énergie.

C’était dans l’air

L’avènement du mouvement se déchiffre dans un simple plan : un disquaire indépendant constelle sa vitrine de l’album de NTM. Il avait précédemment rechigné à commercialiser le premier EP Paname City Rappin’ de Dee Nasty au motif que cela ne concernait pas sa clientèle, masquant mal le fond de racisme de son refus. Beau joueur, le DJ idéaliste et visionnaire sourit de ce succès collectif plutôt que de ruminer sa propre difficulté à transformer son talent en produit manufacturé. Le Monde de demain en prenant une forme chorale, s’offre une multitude de variations autour des liens entre génie et réussite montrant que les mêmes causes peuvent avoir de