Composer les temps – sur Time No Longer d’Anri Sala
Une platine vinyle en apesanteur tourne sur elle-même périodiquement : première révolution. Un disque posé sur cette platine tourne à la vitesse correspondant à son format de 33 tours par minute : deuxième révolution. Cette platine est en apesanteur parce qu’elle est située dans un module de la station spatiale internationale qui orbite autour de la terre, qui elle-même orbite autour du soleil : troisième et quatrième révolutions, plus une cinquième, celle de la terre girant sur son axe.

Parce que la platine tourne, son bras s’approche et s’écarte du disque : irrégulièrement, la pointe touche un sillon et la musique qui y est gravée se fait entendre. Le hasard ce ces rencontres tient au croisement aléatoire des deux premières révolutions. Impossible de savoir sans de complexes calculs où et quand la pointe atterrira sur le disque et quel passage résonnera dans l’air : ici ou là, c’est-à-dire avant ou après puisque l’espace du disque quand il est touché par la pointe devient le temps de la musique.
Ce que ces quelques lignes tentent de décrire est Time No Longer (2021) une installation vidéo d’Anri Sala actuellement exposée dans la Rotonde de la Bourse de Commerce à Paris. Projetée sur un immense écran LED dont la courbure épouse celle du cylindre de béton que Tadao Ando a érigé sous la coupole, elle est la reconstitution en images de synthèse d’une scène potentielle (la platine tourne à la vitesse à laquelle elle devrait tourner si elle était effectivement dans un module de la station spatiale internationale). En plus de la platine tournant sur elle-même à distance du sol mais toujours raccordée au système électrique de la station, on voit la terre à travers un hublot, à l’horizon de laquelle, au début puis au terme des 13 minutes de la vidéo, le soleil point.
Les cinq révolutions sont bien visibles à l’image et avec elles les temps qui s’emboîtent : ceux, cosmiques, que déterminent les révolutions stellaires et celui, musical, que produit le croisement de