Dans le souffle de François Tanguy (1958-2022)
« C’est […] cela “aller dans les champs”. Retisser des rapports dans le faire et le regard, l’écoute et le saisissement. Travailler à réinscrire cet “avoir lieu” dans le présent, l’effectuation de l’acte. Il y faut de l’espacement et de l’air entre les signes et les corps physiques. Chercher les respirations au lieu de les mimer. Creuser dans l’espace un nécessaire renversement de l’illusionnisme et de ses codes[1]. »
François Tanguy
« Le promeneur est constamment escorté par quelque chose de singulier, de fantastique, et il serait stupide s’il entendait n’accorder aucune attention à cet élément immatériel ; mais ce n’est nullement le cas, au contraire il accueille de grand cœur tous ces phénomènes étranges, il fraternise et se lie d’amitié avec eux, en fait des corps dotés de formes et d’une riche substance, il leur donne âme et les façonne, comme à l’inverse ils lui réjouissent l’âme et le façonnent[2]. »
Robert Walser
Par autan est le nom que François Tanguy, metteur en scène du Théâtre du Radeau, a donné à son dernier spectacle. L’autan, c’est un vent du Sud, un vent d’où naît la folie et par quoi tout s’envole, à la manière des pages disséminées sur le plateau du spectacle éponyme essaimant les mots des poètes, des philosophes, des écrivains par-delà le livre, par-delà la voix, par-delà les corps.

Ce qui reste dans le passage du vent ? Le souffle de tous ces poètes, que François Tanguy incarnait dans la puissance de sa présence et de ses créations, et qu’il offrait si généreusement, avec ses compagnons de théâtre et de vie, à ceux qui voudraient bien s’arrêter pour voir et écouter. Car le Théâtre du Radeau se vit certes sous forme de spectacles, mais il est aussi un lieu d’échange, de partage, de rencontre, et donc de dispute au sens du désaccord et de l’argument, tout cela au nom de ce que l’on pourrait qualifier une radicalité éthico-poétique. François Tanguy, farouche poète du Radeau, nous a quittés le 7 décembre dernier, laissant derrière lui