Éblouissements – sur The Fabelmans de Steven Spielberg
D’un coup de revolver, un homme masqué brise la vitre de la locomotive. Caché sur la plateforme, un comparse s’apprête à étourdir le machiniste. Son visage crispé surplombe Sammy (Mateo Zoryon Francis-DeFord) et ses parents. Dans la salle de cinéma, palace d’un autre temps doté de dorures et de balcons, le silence règne. Au moment où la clé à mollette s’abat, un raccord sur le visage du jeune garçon suggère que le coup devrait aussi l’atteindre. Mais sa bouche ouverte, son regard fixe et brillant, témoignent plutôt d’un indicible ravissement. La mère (Michelle Williams) et le père (Paul Dano) échangent un regard, incertains de l’effet que ce spectacle aura sur l’enfant.

Et voilà que dans un geste insensé, le méchant remonte la voie ferrée en voiture afin de prévenir une collision et ainsi sauver celle qu’il aime, Angel. Percuté par un autre train, le véhicule est projeté en l’air. Choc, fracas. Les compartiments se plient comme un accordéon, les voyageurs s’écrasent les uns contre les autres, les animaux se libèrent de leur cage. Et Sammy ? Il ne sursaute ni ne s’exclame, au contraire des spectateurs alentour. Il ne bondit pas non plus de son siège, comme ceux qui, dans le salon indien du Grand Café, le 28 décembre 1895, virent un train entrer en gare de La Ciotat. Chaque impact le fait se rapprocher de l’écran, les yeux plus ronds que jamais. Seul, face à l’image.
Ouvrant The Fabelmans, cette séance a les atours d’une scène primitive. Sammy vient de découvrir, avec Sous le plus grand chapiteau du monde, la puissance sidérante du cinéma hollywoodien. Le traumatisme provoque une compulsion de répétition. Un train électrique permettra de reconstituer la situation. Lancé à toute allure, celui-ci bifurque avant de heurter le visage de Sammy, placé à hauteur de circuit. Puis, à l’aide de quelques jouets, le scénario de Cecil B. DeMille est remis en scène. C’est alors que la mère, Mitzi, confie à son fils une caméra 8 mm. La répétition sera celle du film projet