Littérature

Raconter, par la littérature, une histoire vraie – sur Zanzibar d’Altaïr Despres

Historien et écrivain

Anthropologue, Altaïr Desprès s’est appuyée sur sa longue enquête de terrain à propos des relations entre les femmes européennes et les hommes autochtones dans l’archipel tanzanien pour se risquer à un premier roman. Des sciences sociales à la littérature, elle ne se contente pas de transposer sous forme de fiction des résultats scientifiques, elle en fait, véritablement, une autre œuvre, dans un geste artistique et poétique.

Le succès de la non-fiction, depuis quelques années en France, pose à nouveaux frais la relation entre littérature et enquête. Cette dernière n’est plus réservée aux journalistes ou aux scientifiques. Ces derniers sont de plus en plus nombreux à s’autoriser un pas de côté, à s’aventurer du côté de la création littéraire, avec la volonté de questionner les formes et fonctions de l’écriture.

publicité

En témoigne, par exemple, Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy (La Découverte, 2021), l’étonnant livre d’histoire peuplé de fantômes qu’a publié Jérémie Foa il y a deux ans.

Avec un premier roman très réussi, Zanzibar, Altaïr Desprès franchit à son tour le pas qui mène des sciences sociales à la littérature. En exergue, elle fait un avertissement qui mérite attention : « Ce livre n’est pas seulement “inspiré de faits réels” Il raconte, par la littérature, une histoire vraie ». Cette histoire vraie se déploie sur quelques heures à Unguja, île de l’archipel zanzibarien. Elle se focalise sur une galerie de personnages, femmes européennes et hommes zanzibariens, dont on observe les relations au fil du roman. Ils sont autochtones, elles sont touristes ou ont choisi de s’installer à Unguja. On passe des uns aux autres pour suivre leurs occupations quotidiennes ou vacancières.

Pour écrire ce roman, Altaïr Desprès s’est appuyée sur un solide matériau empirique, issu de ses recherches anthropologiques. Elle a passé plusieurs années sur le terrain à faire des entretiens et à observer minutieusement les relations entre Européennes et autochtones. Son travail porte un regard original sur les questions de classe, de genre, de race, sur les rapports Nord-Sud vus à partir de ce qui touche à l’intime. Chargée de recherche au CNRS, elle a publié sur la question plusieurs articles dans des revues scientifiques. Avec Zanzibar, elle part des mêmes sources, mais pour proposer autre chose. Ainsi, les personnages d’Ethel et Omar, qui peuplent les premières pages du


Sylvain Pattieu

Historien et écrivain, Maître de conférences en Histoire