Les fêlures – à propos de Servant de Tony Basgallop
Comment traduire « Servant » ? D’habitude peu frileux en la matière, les Québécois ne sont parvenus qu’à une formule hybride : « Servant : La Domestique ». Les Français n’ont pas même essayé. On comprend la difficulté.

Aucun terme ne convient véritablement. « Bonne » ou « servante » sont trop désuets, trop avilissants. « Domestique » possède au moins l’avantage d’attacher le personnage à un espace concret (la maison) et symbolique (le foyer). De fait, la série s’ouvre par une visite guidée du logement de Dorothy (Lauren Ambrose) et Sean Turner (Toby Kebbell). Pièce après pièce, le couple présente à Leanne (Nell Tiger Free) ce qui deviendra son lieu de travail et de vie.
Installée dans une chambre – confortable mais défraîchie – au deuxième étage, la jeune fille a été recrutée pour s’occuper du petit Jericho. Le nourrisson, ce n’est plus une surprise, est mort. Afin d’aider la mère à sortir de la catatonie, son proche entourage a eu l’idée de recourir à une poupée thérapeutique. Cela a si bien fonctionné que Dorothy s’apprête à reprendre son travail de reporter pour une chaîne de télévision locale. En attendant un réveil, espéré autant que craint, Sean dorlote donc cette figurine de caoutchouc, d’un réalisme inquiétant. Mais pourquoi, en l’absence de la mère, Leanne continue-t-elle à s’adresser avec tant douceur à ce pauvre substitut ? C’est la première énigme de Servant, bientôt redoublée : à la fin du pilote, un enfant de chair occupe à nouveau le berceau de Jericho.
Dès lors, Sean et son beau-frère Julian (Rupert Grint) se font enquêteurs, tentant de retracer le chemin qui a mené Leanne d’une ferme du Wisconsin jusque dans ce quartier bourgeois de Philadelphie. La série y gagne une atmosphère de complot : détective privé, caméras de surveillance, hypothèses chuchotées dans la cuisine ou la cave. Le cynisme de Julian l’incite à imaginer un chantage. Sean élabore le scénario d’une fille-mère à la recherche d’un refuge ; le nouveau Jericho serait son propre