Danse

Corps et graphie – sur Signes de Carolyn Carlson

Critique

En ce début d’été, l’Opéra Bastille met à l’honneur le ballet Signes créé en 1997 par le peintre Olivier Debré, la chorégraphe Carolyn Carlson et le compositeur René Aubry spécialement pour le répertoire de l’Opéra national de Paris. Les années écoulées laisseraient presque présager d’une œuvre démodée, dépassée par la nouveauté. C’est au contraire une pièce éminemment contemporaine, un exercice de souplesse qui vient renouveler nos regards en ces temps menacés par ceux qui ont une conception de l’humanité fermée sur elle-même.

« Le corps doit devenir la pensée, […] ou l’intention qu’il nous signifie[1]. »

Il faut bien entendre le mot Signes au pluriel car ce ballet vient donner à la danse sa place d’art majeur tant il embrasse la pluralité et la diversité et ce, dès l’aube de sa création.

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Quand le peintre Olivier Debré vient s’installer à l’Opéra pour y travailler, c’est accompagné de ses toiles en carton à la taille démesurée où la couleur explose et joue de présence. Ses esquisses, physiques et énigmatiques tiennent en elles le célèbre sourire de La Joconde de Léonard de Vinci, source d’inspiration première du peintre. Et puisque dans la peinture d’Olivier Debré, il y a comme des gestes de danser, la chorégraphe Carolyn Carlson vient alors le rejoindre. Danseuse, poète, calligraphe et pédagogue, Carolyn Carlson a révolutionné la danse en France en y important les principes du « modern ballet » américain : absence de pointes, improvisation, décontraction. C’est avec elle que l’Opéra national de Paris s’est ouvert à la danse contemporaine.

C’est enfin le compositeur autodidacte et multi-instrumentiste René Aubry qui vient parfaire le duo d’artistes. Sa musique organique et singulière ayant sillonné les ciels de la scène artistique contemporaine, de la danse au théâtre, en passant par le cinéma. Ensemble, telle l’araignée des temps premiers tissant la trame du temps et de l’espace, ils vont mêler, démêler et entremêler les fils de leur art respectif pour bousculer un peu plus encore la danse au sein de l’Opéra, temple de l’académisme par excellence. À coups de compositions permanentes et de gestes communs, ils vont bouleverser l’espace de la scène et défier le temps de la danse.

Signes se décompose en une série de tableaux qui vient orienter le regard du spectateur sans pour autant l’écraser. Certes, ces sept séquences annoncées laissent trace sur la façon dont on entre dans la pièce et dont on la parcourt ; ce sont néanmoins les innombrables chemins qui se croisent sans jamais s


[1] Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Gallimard, 1976, p. 231.

Léa Bévalot

Critique

Notes

[1] Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Gallimard, 1976, p. 231.