Puissances de la pop – sur Paranoïa, Angels, True Love de Christine and the Queens
Mitraillage de la surface pour transmuer le poignardement des corps, ô psychédélie.
Gilles Deleuze, Logique du sens
Il est symptomatique qu’un certain nombre d’articles sur Paranoïa, Angels, True Love commencent par la question du nom propre. Comment, se demandent-ils ou elles, doit-on nommer l’artiste ?

La réponse est : multiplement ou pas du tout. Dans un collage qui est reproduit sur les supports physiques de l’album (vinyle, cassette, cd), plusieurs noms figurent et sont figurés : Christine and the Queens, le premier pseudonyme, qui semble devenir ici le signifiant générique des autres, il ne dénoterait personne mais signifierait la multiplicité mouvante des noms que l’artiste se donne ; Rahim, titre d’un poème et pseudonyme éphémère ; Redcar, signifié par une petite voiture rouge, pseudonyme du quatrième album, Redcar les adorables étoiles ; Florentin, le nom du frère, acrostiche d’un autre poème ; Héloïse, une photographie en noir et blanc montre l’artiste encore bébé dans les bras de sa mère (son nom d’alors était Héloïse). Ce qui fait, si l’on met de côté le prénom de l’état civil et celui du frère, trois pseudonymes, auxquels il faudrait ajouter un quatrième, Chris, titre du second album de l’artiste et manifestation onomastique de sa transition de genre.
Cette multiplication des noms n’est pas de nature hétéronymique comme chez Fernando Pessoa ou David Bowie. Ils ne désignent pas des altérités formelles ou stylistiques : point de Major Tom, de Ziggy Stardust ou de Halloween Jack chez Chris (nom qu’arbitrairement je donnerai à l’artiste). Cette multiplication est de nature existentielle. Ce que chacun figure est une part ou un moment « réel » de l’existence de la personne qu’ils désignent. Point de séparation claire ici entre un nom et les autres comme ce fut encore le cas avec Bowie, qui fit de son premier pseudonyme son vrai nom propre. Ses hétéronymes étaient des masques qu’il portait le temps d’un disque ou d’un concert. Pour Chris, les noms s