Séries télé

Une chimère – sur The Curse de Nathan Fielder

Critique

En suivant le projet, en apparence philanthropique, d’un couple dans une ville en difficulté, l’humour et la tension créent une expérience de visionnage troublante. Avec des visuels déformés et une distribution diversifiée, The Curse remet en question les conventions et explore les thèmes de la gentrification. L’humour auto-dépréciatif de Nathan Fielder et les éléments de thriller de Benny Safdie se fusionnent dans cette série à la fois réfléchie et drôlement sombre qui défie toute catégorisation.

Les créations de Nathan Fielder, de ses premiers sketchs sur YouTube jusqu’à sa nouvelle série The Curse (diffusée sur Paramount+ depuis mi-novembre), sont toujours extrêmement difficiles à décrire.

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Travaillant sur une base de détournement de la télé-réalité, Fielder a longtemps cherché à repousser des limites qui lui semblent imposées (allant régulièrement jusqu’à mettre en scène, avec humour, le fonctionnement interne des chaines de télévision qui l’embauchaient) et à battre en brèche la frontière entre fiction et réalité. Avec The Curse, il part du côté opposé du spectre télévisuel américain : plutôt que de construire une télé-réalité plus ou moins ironique qui chercherait à réécrire un monde au-dessus du monde (comme dans Nathan For You et The Rehearsal[1]), il s’agit désormais d’une pure fiction qui prend la télévision pour objet.

Pour faire ses premiers pas dans la fiction, Fielder a cependant fait appel à un autre acteur-réalisateur américain contemporain : la série est créée en collaboration étroite avec Benny Safdie, dont le frère Josh a récemment annoncé que leur travail artistique se ferait désormais séparément[2]. La création de la série, mais aussi l’écriture, la mise en scène et la production se font ainsi à quatre mains. La collaboration, qui avait de quoi surprendre, aboutit à un résultat extrêmement singulier, une création à deux têtes. On assiste ainsi, épisode après épisode, à l’hybridation de deux styles et à la naissance d’un style commun, à la fois double et unique.

Si cette rencontre surprend au premier abord, et si elle produit finalement une synthèse aussi cohérente, c’est aussi parce que la direction que prenaient leurs œuvres respectives finissait par s’approcher : Benny Safdie et Nathan Fielder sont après tout tous les deux réalisateurs, scénaristes, producteurs et interprètes de leurs propres œuvres, des films ou des séries racontant des pertes de contrôle, des chutes de personnages qui cherchent à se « rattraper aux branches »


[1] Concernant cette série, je me permets de renvoyer à mon article publié dans la revue Débordements.

[2] Josh Safdie est cependant un des (nombreux) producteurs de The Curse.

[3] Puisque ces trois cinéastes, venus des studios avant de prendre leur indépendance, sont souvent décrits comme des exemples du passage du classicisme hollywoodien à la « modernité » du Nouvel Hollywood.

[4] Le mot cringe désigne le fait de grincer des dents ; il s’agit donc d’un humour grinçant qui fonctionne sur la gêne, le plus souvent en poussant des personnes dans les retranchements du politiquement correct et des habitudes sociales.

[5] « I think that Howard, the character Adam Sandler plays, falls in a long tradition. I think the humor of the film is explicitly Jewish. I think that the concept of being a Knicks fan is explicitly Jewish. This concept of learning through suffering is very Old Testament. », dans Slate, le 24 décembre 2019.

Rayonnages

Télévision Culture

Notes

[1] Concernant cette série, je me permets de renvoyer à mon article publié dans la revue Débordements.

[2] Josh Safdie est cependant un des (nombreux) producteurs de The Curse.

[3] Puisque ces trois cinéastes, venus des studios avant de prendre leur indépendance, sont souvent décrits comme des exemples du passage du classicisme hollywoodien à la « modernité » du Nouvel Hollywood.

[4] Le mot cringe désigne le fait de grincer des dents ; il s’agit donc d’un humour grinçant qui fonctionne sur la gêne, le plus souvent en poussant des personnes dans les retranchements du politiquement correct et des habitudes sociales.

[5] « I think that Howard, the character Adam Sandler plays, falls in a long tradition. I think the humor of the film is explicitly Jewish. I think that the concept of being a Knicks fan is explicitly Jewish. This concept of learning through suffering is very Old Testament. », dans Slate, le 24 décembre 2019.