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Littérature toxique – sur Quitter Hurlevent de Laurence Werner David

Ecrivain

Dans Quitter Hurlevent, Laurence Werner David s’écarte de la vision conventionnelle de la littérature comme source d’émancipation pour révéler son côté obscur, en tissant une histoire marquée par l’influence trouble de la famille Brontë. Un roman qui explore avec audace les liens familiaux, qui libèrent autant qu’ils emprisonnent, posant un regard neuf sur le pouvoir complexe de la fiction dans nos vies.

Ces dernières années ont vu fleurir, à l’instar du Réparer le monde d’Alexandre Gefen, et sans qu’il s’agisse d’une nouveauté, des éloges de la littérature salvatrice et émancipatrice. Laurence Werner David a la hardiesse de se situer à contre-courant de cette tendance dans Quitter Hurlevent, son sixième roman.

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Elle y montre en effet la possible toxicité de la littérature en racontant une histoire trouble de famille placée sous l’ascendant nocif du roman le plus célèbre de la fratrie Brontë, celui d’Emily, Les Hauts de Hurlevent.

Laurence Werner David s’intéresse aux liens, ceux qui unissent, mais aussi enchaînent et même fusionnent, et donc détruisent dans cette confusion, les êtres que sont ses personnages. Dans À mes yeux (2017), paru comme ses prédécesseurs dans la regrettée collection « Qui vive » des éditions Buchet-Chastel, un père s’immisce dans le cercle des amis de son fils dont il a perdu la trace depuis trop longtemps. À la surface de l’été (2013) était déjà aussi une réflexion sur la filiation et son négatif, l’abandon. Dans Le roman de Thomas Lilienstein (2011), la compagne de Thomas tâche de remplir le vide qu’il laisse pendant ses trop fréquentes et trop longues absences en reconstituant le lien qui attache prodigieusement et maladivement cet homme qu’elle aime à sa mère puissante.

À ce rappel des précédents écrits de l’auteur, on voit que Quitter Hurlevent s’insère comme une variation supplémentaire dans une œuvre qui se compose sur une même obsession, le lien et ce qu’il suppose de transmission et de rupture, au sein d’une entité dont le noyau est la famille, mais une famille elle-même poreuse à toutes les rencontres, les immiscions, les pénétrations, les déformations, les influences.

Lucie Ancel, la narratrice, est psychiatre et, accompagnant un soir sa jeune sœur à un concert, elle retrouve Hector, qui a été son patient à peine adolescent lorsqu’elle effectuait son premier stage en institution spécialisée quinze ans auparavant et avec l


Éloïse Lièvre

Ecrivain, Professeur

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