Littérature

Sollers reloaded – sur La Deuxième Vie de Philippe Sollers

Journaliste, critique littéraire et écrivain

Mort en 2023, Philippe Sollers fait paraître un ouvrage posthume qui s’avère aussi performatif, comme s’il communiquait depuis l’au-delà. Une postface signée Julia Kristeva montre comment cette Deuxième Vie n’est pas la lubie d’un homme qui se sait mourant ou une dernière pitrerie de vieillard mais un motif présent dans toute son œuvre.

Comme tous les livres importants, La Deuxième Vie est un texte performatif faisant ce qu’il dit et disant ce qu’il fait. Car l’auteur sait et écrit que « la pensée est un acte ». Ainsi, que ce livre paraisse neuf mois après que son auteur a délaissé sa première vie comme un vieux manteau, prouve non seulement que la deuxième vie existe, du moins en tant que volume ; mais aussi – et c’est sans doute le moins négligeable – qu’elle bouturait déjà sous la première ; qu’elle lui était contiguë.

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Qu’est-ce alors que cette deuxième vie ? A-t-elle à voir avec ce que Jean Cayrol – écrivain et éditeur qui, le premier, dans sa revue Écrire, a publié un jeune écrivain du nom de Philippe Sollers – avait appelé après la seconde guerre mondiale « le romanesque lazaréen » ? Certainement pas. La deuxième vie n’a rien à voir avec une résurrection ; et elle n’est pas, notons-le précieusement, une seconde vie. Se rapprocherait-elle alors avec ce qu’on appelle en littérature ou ailleurs, la postérité ? L’auteur ici présent prétend que non : La Deuxième Vie, écrit-il en y mettant parfois des majuscules, « n’a rien à voir avec une poursuite de la première vie, sous forme de mémoire collective ou de célébrité ».

Néanmoins, il précisait un peu auparavant : « Certains humains peuvent embrasser des pans entiers de leur Deuxième Vie à partir de la Première. Ce sont en général des artistes, des scientifiques, ou des sportifs de haut niveau, qui se sont exercés pendant toute leur existence, à développer leur attention sur des points précis. Ils deviennent, parfois, des célébrités dans l’ancien monde ». Par ailleurs, même si notre auteur est connu pour avoir reçu la bénédiction d’un pape et s’en être publiquement félicité (« j’en ressens encore les bienfaits » a-t-il écrit vingt ans plus tard), le voici qui déclare tout de go que « la Deuxième Vie n’a rien de religieux et n’appelle à aucun rassemblement de ce genre ». Il ajoute : « Il est faux de croire qu’on y entre. Elle est là depuis


Arnaud Viviant

Journaliste, critique littéraire et écrivain

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