Séries télés

L’argent souffle où il veut – sur Full Circle d’Ed Solomon et Steven Soderbergh

Critique

Avec la série Full Circle, Steven Soderbergh revisite à sa manière le mythe étatsunien de « l’origine de la violence ». Le trouble dans la généalogie et l’importance des liens du sang rappellent le film criminel américain, qui mêlé à la violence néocoloniale évoque le western. Ici, Soderbergh cherche en adoptant leurs codes à renouveler ces récits afin d’y abolir la dimension mythologique.

L’œuvre récente de Steven Soderbergh est étonnamment peu commentée en France. Depuis Logan Lucky, sorti en 2017 – son premier film après quelques années de « retraite » –, il a pourtant réalisé huit films et trois séries, dont deux diffusées aux États-Unis en juillet 2023[1] – sans parler des films, des séries, ou des émissions de télé dont il fut seulement le producteur ou le scénariste. Dans ses propres films et séries, Soderbergh opère sur un double tableau, à la fois comme « simple metteur en scène » précis et hors pair et comme redoutable cinéaste politique. Full Circle, série criminelle diffusée par Canal+ depuis le 22 février, ne fait sans surprise pas exception.

publicité

Full Circle devrait en réalité être décrite comme une série d’Ed Solomon, crédité comme scénariste, producteur et créateur de la série. Les six épisodes, cependant, ont été co-produits, réalisés, montés et photographiés par Soderbergh lui-même, s’auto-créditant comme à son habitude sous pseudonyme à ces postes de « technicien »[2]. Soderbergh n’a, par ailleurs, presque jamais été l’auteur de ses scénarios, et n’a pas été crédité comme scénariste d’un de ses films depuis… Solaris, en 2002, pourtant le remake d’une adaptation littéraire, en l’occurrence le Solaris d’Andreï Tarkovski basé sur le roman de Stanisław Lem. Mais incontestablement, c’est en tant que metteur en scène, et même en tant que styliste, que Soderbergh est l’auteur de ses films ; et ce style, depuis quelques années, semble s’affiner, se préciser, l’autorisant à changer aisément de genre (drame, film policier, science-fiction), de sujet, de structure de production ou de scénariste, en fonction de besoins spécifiques.

Il faut d’abord dire que cette œuvre récente se fait dans une grande économie de moyens et une certaine indépendance : Soderbergh a trouvé, depuis plusieurs années, un certain confort dans l’économie du streaming (Full Circle, en l’occurrence, est produit par la chaîne de télévision HBO et sa plateforme de strea


[1] C’est le cas de Full Circle, diffusée sur HBO, et de Command Z, série diffusée uniquement en ligne sur un site dédié. Un nouveau long-métrage, Presence, a déjà été projeté au festival de Sundance en janvier.

[2] La photographie et le montage de la plupart de ses films sont en effet crédités à Peter Andrews et Mary Ann Bernard – il s’agit du nom de ses parents.

[3] Dans KIMI, réalisé par Soderbergh et écrit par David Koepp, l’intrigue tournait déjà autour d’un dispositif de « smart home », évoquant l’Alexa d’Amazon ou Google Home. Les smartphones avaient aussi une grande importance dans le film, et l’héroïne était finalement forcée de jeter son téléphone à la poubelle pour échapper à ses poursuivants.

[4] Et même des productions des autres : Soderbergh a parfois officié comme technicien ou réalisateur de seconde équipe sur les films d’autres réalisateurs, allant même jusqu’à produire, monter et photographier, mais pas « réaliser » la suite de son propre film Magic Mike, avec Magic Mike XXL, réalisé par Gregory Jacobs en 2015.

[5] On peut notamment voir sur son blog Raiders, un « remontage » des Aventuriers de l’arche perdue, ou encore Psychos, œuvre de montage qui mélange le Psycho d’Alfred Hitchcock avec son remake par Gus Van Sant.

Notes

[1] C’est le cas de Full Circle, diffusée sur HBO, et de Command Z, série diffusée uniquement en ligne sur un site dédié. Un nouveau long-métrage, Presence, a déjà été projeté au festival de Sundance en janvier.

[2] La photographie et le montage de la plupart de ses films sont en effet crédités à Peter Andrews et Mary Ann Bernard – il s’agit du nom de ses parents.

[3] Dans KIMI, réalisé par Soderbergh et écrit par David Koepp, l’intrigue tournait déjà autour d’un dispositif de « smart home », évoquant l’Alexa d’Amazon ou Google Home. Les smartphones avaient aussi une grande importance dans le film, et l’héroïne était finalement forcée de jeter son téléphone à la poubelle pour échapper à ses poursuivants.

[4] Et même des productions des autres : Soderbergh a parfois officié comme technicien ou réalisateur de seconde équipe sur les films d’autres réalisateurs, allant même jusqu’à produire, monter et photographier, mais pas « réaliser » la suite de son propre film Magic Mike, avec Magic Mike XXL, réalisé par Gregory Jacobs en 2015.

[5] On peut notamment voir sur son blog Raiders, un « remontage » des Aventuriers de l’arche perdue, ou encore Psychos, œuvre de montage qui mélange le Psycho d’Alfred Hitchcock avec son remake par Gus Van Sant.