Les injonctions paradoxales du théâtre participatif – sur Stadium de Mohamed El Khatib
Le spectacle Stadium, créé en 2017 et qui continue de tourner près de dix ans plus tard, a constitué un tournant dans la carrière du metteur en scène et se voit aujourd’hui plébiscité par les programmateurs comme « blockbuster » assurant des salles bien remplies. Pourtant, le spectacle fut loin de faire l’unanimité à sa création et je voudrais faire ici l’hypothèse que cette réception contrastée illustre l’ambivalence fondamentale des attentes du théâtre public à l’égard des projets participatifs.
C’est donc moins le processus de création et l’impact du projet pour les participant.es qui m’intéressera ici, que les enjeux politiques de la présence des amateur.ices et de l’effet de réel produit par ce spectacle participatif, souvent résumé par le fait qu’il « met sur scène 53 supporters du RC Lens » et qu’il poserait à nouveaux frais la question de Deleuze : « Fondamentalement, qu’est-ce qui différencie un public de théâtre d’un public de football ? Je veux dire hormis la tenue vestimentaire ? » Je m’appuierai à la fois sur mon expérience de spectatrice qui a vu le spectacle en 2017 à Paris au Théâtre National de la Colline et en 2023 à Lyon au Théâtre de la Croix Rousse, sur une étude de la réception critique du spectacle et, subsidiairement, sur une analyse des documents de communication des théâtres.

Depuis sa préhistoire (datant de la fin du XIXe siècle[1]), le théâtre public français entretient un rapport ambivalent avec les spectacles que l’on dit désormais « participatifs » – comprendre : des spectacles qui mettent des personnes non professionnelles sur scène ou du moins, les associent au processus de création à divers degrés et stades (collecte d’histoires, ateliers d’écriture ou présence scénique). D’un côté, depuis les premières expérimentations de Maurice Pottecher, Firmin Gémier ou Romain Rolland, la présence de comédiens amateurs censés non pas représenter mais incarner le peuple sur scène, constitue une valeur ajoutée de ce que l’on appelait al