Exposition

Lire les épidémies à partir de ses objets – sur « Épidémies. Prendre soin du vivant »

Politiste

C’est dans une perspective d’Anthropocène que l’exposition « Épidémies. Prendre soin du vivant » du Musée des Confluences, à Lyon, montre comment l’épidémie, au-delà de sa dimension biologique, est liée à l’ordre social, à ses conséquences environnementales, à la volonté de donner du sens à l’évènement. L’épidémie est le révélateur des rapports de pouvoir qui traversent une société.

L’exposition « Épidémies. Prendre soin du vivant » qui se tient au Musée des Confluences de Lyon jusqu’au 16 février 2025 nous invite à nous demander comment les sociétés humaines ont pu faire face aux épidémies par le passé. Bâtie selon une chronologie qui remonte au Néolithique, le propos souligne le rôle joué par la domestication des premiers animaux (chiens, chèvres, porcs, poules) et la sédentarisation des premières sociétés paysannes dans le développement de maladies et leur diffusion auprès des différents groupes sociaux.

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La muséographie, qui se place dans la perspective de l’Anthropocène, montre comment les sociétés humaines participent activement – à travers le développement de réseaux de communication, les modifications environnementales ou la perturbation des écosystèmes – à l’émergence et au développement de maladies. Dès lors, l’épidémie n’est plus cantonnée à un aspect strictement biologique mais se trouve liée – dans sa puissance destructrice ou déstabilisatrice – à l’ordre social et ses conséquences environnementales.

Ce récit nous est essentiellement restitué à travers une pluralité d’objets qui nous racontent différentes histoires sur les relations qu’ont entretenu les sociétés humaines avec les entités biologiques (virus, bactéries) et les différents processus sociaux qui ont participé à la fabrique des épidémies. Ces relations apparaissent ambivalentes puisqu’elles renvoient tantôt à une mise à distance dans le cadre d’un rapport de méfiance voire de peur, à des tentatives d’expliquer le mal par des narratifs qui imputent la responsabilité à l’Autre (qu’il s’agisse des Juifs, des femmes, des pauvres, des étrangers…), à une révolution du regard permise par les avancées techniques, à une volonté de s’assurer le contrôle grâce aux avancées thérapeutiques et, finalement, à la nécessaire coexistence au sein d’un monde bouleversé par les activités humaines.

De la domestication animale à la domestication virale ? Histoire d’une proximité négoc


[1] Qui renvoie au dispositif disciplinaire où l’espace urbain fait l’objet d’un quadrillage par les autorités, devenant ainsi « espace clos, découpé, surveillé en tous ses points, où les individus sont insérés en une place fixe, où les moindres mouvements sont contrôlés, […] où chaque individu est constamment repéré, examiné et distribué entre les vivants, les malades et les morts », Michel Foucault, Surveiller et Punir, Paris, Gallimard, 1975.

[2] C’est ainsi qu’il définit le déplacement scientifique effectué par Louis Pasteur qui, sans frontalement s’opposer à la théorie hygiéniste (dominante à son époque), se fait « montreur de microbes » et lui permet de faire valoir son approche novatrice, tout en s’inscrivant dans le paradigme hygiéniste : « Les pasteuriens ne fournissent ni le levier, ni la charge, ni l’ouvrier qui fait le travail, mais ils offrent un point d’appui aux hygiénistes. », en d’autres termes, ils rendent l’ennemi visible (Bruno Latour, Pasteur : Guerre et paix des microbes, Paris, La Découverte, 2001).

[3] Charlotte Brives, Pluribiose. Travailler avec les microbes, Versailles, Quae, 2024 ; « Pluribiose. Vivre avec les virus. Mais comment ? », Terrestres, 1er juin 2020

[4] Paula Treichler, « AIDS, homophobia and biomedical discourse: an epidemic of signification », Cultural studies, vol. 1, n° , 3, 1987, pp. 263-305. ; Guillaume Lachenal, « Donner sens au sida », Genre, sexualité & société [En ligne], 9 | Printemps 2013

[5] Paul Farmer, Sida en Haïti. La victime accusée, Paris, Kartala, 1996.

[6] En référence au récit contre révolutionnaire qui est fait en 1830 entre l’épidémie de choléra (alors en cours en Russie et en Pologne et qui y provoque des émeutes) et les journées révolutionnaires de juillet 1830 – bien que le choléra ne touche Paris qu’à partir de mars 1832.

[7] Pour Homosexuels, Héroïnomanes, Hémophiles et Haïtiens.

[8] Dont certains rappellent l’exposition qui s’était tenue au Mucem en 2022 : VIH/Sida. L’épidémie n’est pas finie !

[9]

Théo Sabadel

Politiste, Post-doctorant à l’École Normale Supérieure de Lyon (ENS, CNRS, Laboratoire Triangle UMR 5206).

Mots-clés

Anthropocène

Notes

[1] Qui renvoie au dispositif disciplinaire où l’espace urbain fait l’objet d’un quadrillage par les autorités, devenant ainsi « espace clos, découpé, surveillé en tous ses points, où les individus sont insérés en une place fixe, où les moindres mouvements sont contrôlés, […] où chaque individu est constamment repéré, examiné et distribué entre les vivants, les malades et les morts », Michel Foucault, Surveiller et Punir, Paris, Gallimard, 1975.

[2] C’est ainsi qu’il définit le déplacement scientifique effectué par Louis Pasteur qui, sans frontalement s’opposer à la théorie hygiéniste (dominante à son époque), se fait « montreur de microbes » et lui permet de faire valoir son approche novatrice, tout en s’inscrivant dans le paradigme hygiéniste : « Les pasteuriens ne fournissent ni le levier, ni la charge, ni l’ouvrier qui fait le travail, mais ils offrent un point d’appui aux hygiénistes. », en d’autres termes, ils rendent l’ennemi visible (Bruno Latour, Pasteur : Guerre et paix des microbes, Paris, La Découverte, 2001).

[3] Charlotte Brives, Pluribiose. Travailler avec les microbes, Versailles, Quae, 2024 ; « Pluribiose. Vivre avec les virus. Mais comment ? », Terrestres, 1er juin 2020

[4] Paula Treichler, « AIDS, homophobia and biomedical discourse: an epidemic of signification », Cultural studies, vol. 1, n° , 3, 1987, pp. 263-305. ; Guillaume Lachenal, « Donner sens au sida », Genre, sexualité & société [En ligne], 9 | Printemps 2013

[5] Paul Farmer, Sida en Haïti. La victime accusée, Paris, Kartala, 1996.

[6] En référence au récit contre révolutionnaire qui est fait en 1830 entre l’épidémie de choléra (alors en cours en Russie et en Pologne et qui y provoque des émeutes) et les journées révolutionnaires de juillet 1830 – bien que le choléra ne touche Paris qu’à partir de mars 1832.

[7] Pour Homosexuels, Héroïnomanes, Hémophiles et Haïtiens.

[8] Dont certains rappellent l’exposition qui s’était tenue au Mucem en 2022 : VIH/Sida. L’épidémie n’est pas finie !

[9]