Cinéma

Les séquestrés de Téhéran – sur Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof

Ecrivain

Poursuivant une œuvre magnifique d’une rare cohérence politique et esthétique, Mohammad Rasoulof signe avec Les Graines du figuier sauvage un film allégorique magistral, mêlant huis-clos psychologique, thriller politique et domestique et images documentaires sur les émeutes iraniennes de l’automne 2022, pour affirmer le pouvoir du cinéma et sa victoire contre la censure islamique.

Jina Mahsa Amini. Il faut commencer par ce nom. Par ce prénom même, Jina, qui, parce qu’il est kurde, est proscrit par l’état-civil iranien. Mohammad Rasoulof est en prison en septembre 2022 lorsque Jina Mahsa Amini, étudiante kurde iranienne, est elle aussi arrêtée par la police des mœurs du régime pour « port de vêtements inappropriés ». Les témoins rapportent qu’après avoir répondu aux policiers, elle est violemment battue, frappée notamment à la tête, et emmenée.

publicité

Le même jour, elle est conduite dans le coma à l’hôpital, où elle décède. L’annonce de sa mort, la diffusion des vidéos clandestines de la scène d’arrestation, alors que les autorités déclinent toute responsabilité et étaient l’hypothèse d’une crise cardiaque et d’une ancienne maladie du cerveau, provoquent des manifestations pour dénoncer les violences policières, la répression généralisée, et l’ensemble du régime au cri de « à mort le dictateur ». Jusqu’à la fin du mois de septembre, des villes s’enflamment, la jeunesse se révolte, de jeunes femmes enlèvent leur hijab en public, le font tournoyer au-dessus de leurs têtes dévoilées et coupent leurs cheveux.

Les images de ce courage ont fait le tour du monde. Et si Mohammad Rasoulof ne les a pas véritablement vues au moment-même depuis sa prison, car j’imagine mal que les geôles iraniennes le permettent, mais qui sait, il dit en tout cas avoir suivi le soulèvement avec ses co-détenus et admiré l’héroïsme des jeunes femmes de son pays. C’est de la nécessité de soutenir ce mouvement, dont il est persuadé qu’il finira par vaincre, que le scénario des Graines du figuier sauvage a commencé à germer.

Intérieur/extérieur

La première graine, c’est donc ce dispositif qui consiste à vivre, voir, montrer les événements iraniens de septembre 2022 depuis le lieu de l’enfermement, extérieur de l’action, mais paradoxalement intérieur : une intimité domestique, celle de l’appartement d’Iman et Najmeh, sa femme, et de leurs deux filles, Rezvan, étudiante de vi


Éloïse Lièvre

Ecrivain, Professeur

Rayonnages

Cinéma Culture