Intriguant laboratoire social – sur Maître obscur de Kurō Tanino
On pourrait appeler cela un appartement témoin. Mais pas dans le sens habituellement donné à cette expression car les personnages de cette pièce de Kurō Tanino ne sont pas les acquéreurs ou les locataires potentiels d’un lieu qu’ils seraient en train de visiter. Ils sont là pour de toutes autres raisons. Lesquelles ? Difficile à dire.

L’enjeu du spectacle repose d’ailleurs pour une bonne part sur cette dimension de flou quant à leur présence dans cette sorte de grand studio avec une cuisine équipée, une table pour prendre ses repas, un lit, une coiffeuse qui fait aussi table de nuit, un fauteuil à bascule et un coin salon avec un canapé, une cheminée et un téléviseur. Dans l’ensemble le lieu quoiqu’anonyme dégage une atmosphère cosy plutôt chaleureuse, presque un cocon. Au-dessus du lit, une peinture représentant un chien sagement assis devant son assiette confirme le sentiment d’un univers certes plutôt fade, mais sans aspérité. Un univers reposant et aussi un peu kitsch avec son coucou suisse et l’aspect rétro de son mobilier.
Pourquoi alors parler d’appartement témoin ? À cause d’un élément important, qui tranche avec le reste : au-dessus de la scène est fixé un écran vidéo orienté vers la salle sur lequel apparaissent des images captées par des caméras de surveillance disposées un peu partout et bien sûr invisibles. Imaginez une location Airbnb truffée de caméras qui observeraient vos faits et gestes. D’entrée de jeu le spectateur qui assiste à Maître obscur, premier spectacle créé avec des acteurs français du metteur en scène et dramaturge Kurō Tanino, comprend que les personnages présents dans l’appartement sont observés.
Reste à savoir par qui et pour quelle raison. D’autant que les trois femmes et l’homme que l’on va bientôt découvrir ne sont pas seulement surveillés par quelque instance pour le moment inconnue, ils sont aussi en partie guidés ou conseillés par une voix qui s’adresse à chacun d’eux comme s’ils portaient une oreillette. Mais justeme