Intimité – sur All We Imagine as Light de Payal Kapadia
Il est des films chaleureux dont on sent dès les premiers plans que l’on va s’envelopper dans leur douceur cotonneuse et y voyager dans une grande sérénité. All We Imagine As Light est de ceux-là. On s’y sent accueilli, porté par le mouvement régulier des premiers travellings qui balaient une Mumbai nocturne industrieuse en plein quartier de marché.

Toute une nuit sans savoir, découvert à la Quinzaine des réalisateurs en 2021, mêlait les tons en croisant le compte rendu sur le vif d’une révolte étudiante avec des lettres d’amour en off. Le réel se dévoilait dans une image charbonneuse, proche du cinéma expérimental, comme s’il s’agissait d’archives exhumées du passé. All We Imagine As Light, premier film indien en compétition officielle au Festival de Cannes depuis 1994, et auréolé d’un Grand Prix, reprend ce mélange des tons. Une série de portraits de la grande ville ouvre le film sur un mode documentaire, centre de toutes les migrations intérieures. Ceux qui fuient la pauvreté de leur campagne viennent chercher du travail là où il se trouve et font de Mumbai un creuset d’habitants temporaires. Ils se sentent tous de passage dans ce centre économique qui ne cesse de croître, comme en témoignent les chantiers de construction qui prolifèrent.
Parmi toutes ces âmes transportées et esseulées, la caméra vagabonde, écoute la confession intime de voix sans corps qui disent combien les récits de cet exode économique se ressemblent, puis finit par y sélectionner sa protagoniste, nous laissant sur l’idée que le film aurait pu s’arrimer à un autre destin que le sien. Accrochée à la barre du métro, une femme en sari bleu a l’air de tourner comme sur un manège. Le plan suivant, depuis une chambre de l’hôpital où elle travaille, elle ouvre à notre regard de lourds rideaux rouges sur la petite fenêtre de sa vie quotidienne d’infirmière.
Débute alors le petit théâtre de la fiction, où Prabha va nous guider dans son quotidien ainsi que dans celui de deux infirmières, Anu,