Transmettre quand la mémoire manque – sur « Memory of Mankind » de Lindeen et Ségol
Il est des spectacles qui se poursuivent une fois la lumière revenue et les applaudissements épuisés, dans la rue qu’on longe pour rejoindre le métro, le soir juste avant de s’endormir, le matin suivant au hasard d’une conversation. Memory of Mankind est de ceux-là.

Les histoires qu’il raconte et les questions qu’il soulève insistent, reviennent. Non seulement parce que les histoires sont passionnantes et les questions importantes, mais surtout parce qu’elles demeurent ouvertes, non tranchées, objets de récits inachevés et de discussions en cours, que l’on continue malgré nous à réfléchir et à débrouiller.
Quatre personnes sont assises aux bords d’une petite fosse. Chacune occupe un côté. Elles se racontent leurs histoires, posent des questions, réfléchissent à haute voix, se lèvent parfois quand une émotion les traverse. Les spectateurs sont tout autour sur des gradins de bois, témoins de cette conversation à quatre voix. Le principe est simple : chaque personne raconte un chapitre de son histoire puis on change de place et les histoires se poursuivent. Plus on entre dans l’intimité de chacune et plus les questions fusent. Le dispositif, en diluant l’opposition entre scène et salle – ce que Marcus Lindeen et Marianne Ségol appellent une « scénographie sans plateau » –, construit un espace partagé, où les spectateurs sont vis-à-vis de ceux qui racontent dans la même position que ceux qui les écoutent et les questionnent. Nous aussi nous avons des questions et des objections. Il arrive que nous les formulions avant qu’elles ne se posent. Il arrive même que personne ne les pose. Alors nous attendons la fin du spectacle pour les poser à l’acteur concerné qui répond comme il peut. Nous savons qu’il n’est pas le personnage. Mais nous savons aussi qu’il n’est pas un acteur professionnel, qu’il a été choisi pour sa proximité avec celui qu’il incarne et qu’il est donc plus susceptible de répondre à nos questions qu’un comédien qui se serait contenté d’apprendre so