Photosensible – sur « Science / Fiction – Une non-histoire des plantes »
Cette exposition, initiée en 2020 et en pleine crise du Covid, est le fruit de plusieurs années de travail. Elle utilise en réalité la thématique des plantes comme un prisme, afin de repenser une écologie des images et dénoncer des manquements : comment regardons-nous les plantes, et savons-nous les observer ?

Tout regard limité à sa zone de confort anthropocentrée est pointé du doigt. Deux métaphores apparaissent : celle de la myopie (à l’égard du monde qui nous entoure, n’avons-nous pas une courte vue ?), et celle de la cécité (avons-nous perdu la vue ?). Bref, on n’y voit rien[1].
Pour qui s’intéresse à l’histoire de l’écologie politique et à ses textes les plus marquants, la question de la cécité évoque immédiatement, et en miroir, celle de la surdité, si bien travaillée par la biologiste Rachel Carson dans son fameux Silent Spring (Printemps silencieux) paru en 1962 aux États-Unis, afin de dénoncer l’usage productiviste et mortifère du DTT par l’industrie agricole. Si le printemps était silencieux, c’est que les oiseaux mouraient sous les coups invisibles des pesticides. Parallèlement, l’exposition semble nous dire que notre aveuglement face au monde végétal tiendrait de l’altérité radicale de ce monde-là vis-à-vis du nôtre. En effet, le monde végétal n’est-il pas chlorophyllien, sans visage, et sans membres ? Cette raison éclairerait-elle une cécité botanique ?
L’usage de la photographie va précisément permettre de déjouer la cécité. Car cette technique serait à même d’affiner considérablement le regard, pour mieux combattre l’ignorance ou l’indifférence : l’outil photographique, mis au point dans la seconde partie du XIXe siècle, va progressivement dévoiler sa capacité d’attention au vaste domaine des plantes et des fleurs : le gros-plan et l’agrandissement révéleront l’anatomie si spécifique des espèces, le time-laps[2] épousera la temporalité de leur croissance[3].
Visitant cette exposition, il arrive un moment très troublant où l’on se demande mê