Cinéma

Signes extérieurs de richesse – sur Cent mille milliards de Virgil Vernier

Critique

Tantôt conte de Noël, tantôt récit d’anticipation plus ou moins réaliste, Cent mille milliards suit un jeune escort-boy à Monaco pendant Noël, transformant le rocher en théâtre d’un onirisme singulier. Dans la principauté désertée, les enseignes lumineuses, symboles du luxe, révèlent les rêveries du personnage. En résulte un glissement où l’excès de richesse devient vecteur de sentiments retrouvés.

On entre dans la vie d’Afine par touches. À demi-nu dans un salon, le jeune homme écoute un de ses clients lui décrire ses pratiques sportives. Ce dialogue unilatéral, laissé en suspens, s’achève sur une remarque désobligeante du sportif concernant la musculature de l’escort-boy. 

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Contrairement à d’autres films traitant du travail du sexe, Cent mille milliards tourne autour du pot : l’enjeu de la relation qui lie Afine à celles et ceux qu’il rencontre reste ambigu et le sexe, central dans le travail du jeune homme, devient tertiaire, renvoyé hors champ. C’est finalement par des symptômes, des éléments suffisamment intrigants, que l’on devine de quoi il en retourne. Et si le doute persiste dans la première partie du film, c’est qu’il entoure plus généralement la nature des relations que tisse Afine, qu’il s’agisse d’une cliente bien plus âgée qui le choie comme une mère ou bien une colocation avec d’autres escorts, sorte de famille recomposée finalement pénétrée par une logique de performance économique. On comprend assez vite que le jeune homme entretient avec l’idée de famille un rapport complexe.

Ainsi le repas de réveillon avec Julia et Vesna prend-il l’air d’une nouvelle passe mais aussi d’une scène familiale dans laquelle le jeune adulte ressemble au mari de substitution d’une femme dont l’identité se révèle ultérieurement. Vieille amie d’Afine, Vesna est en fait une immigrée géorgienne, baby-sitter de Julia, enfant de milliardaires partis construire un bunker high-tech sur une île. Couplé à une cérémonie new age, menée par Vesna qui s’avérera énergéticienne, le repas de Noël qui unit les trois individus revêt une sorte de sacralité. Filmé à distance, le festin met enfin Afine au même plan que ses interlocuteurs et, au cœur de l’image, la table rassemble les personnages. Jusqu’alors, les échanges qu’Afine avait avec ses colocataires étaient retranscrits de façon fragmentaire, filmant les personnages en gros plan à chaque prise de parole. Le jour de No


Élias Hérody

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