Le Temps de l’innocence – sur Noël à Miller’s Point de Tyler Taormina
Des décorations lumineuses de Noël défilent dans la nuit noire du Réveillon. Les guirlandes d’ampoules des couleurs qui forment des traineaux du Père de Noël ou autre imagerie kitsch apparaissent tête en bas, dans une abstraction qui les propulse au rang de souvenirs lointains.

On se croirait presque chez le cinéaste expérimental new-yorkais Jonas Mekas dans le prologue du deuxième long métrage de l’américain Tyler Taormina, tant les formes dessinées dans l’obscurité ont l’air mentales et semblent détachées du monde. L’univers de Noël à Miller’s Point oscille entre l’image d’Épinal et la scrupuleuse observation sociale. L’image finit par se redresser : la banlieue était balayée par le regard d’un petit garçon, tête à l’envers, depuis le siège arrière de la voiture de ses parents, en route pour le réveillon familial à Long Island. Ce suburb filmé le temps d’une nuit tient l’un des rôles principaux, pourtant, on n’en verra quasiment rien. Les parents et les deux enfants plaisantent avec une pointe d’ironie conflictuelle dans la voiture, jouant mezzo voce le thème de la partition qui va trouver ses multiples variations dans la maison remplie à ras bord de toutes les générations issues d’une seule branche d’italo-américains.
Tyler Taormina trouve le point précis de justesse entre la caricature et l’affection profonde qu’il voue à ses personnages. Débordantes de tendresse, les mères, tantes et grand-mères déposent de gros baisers sur les joues d’enfants rebutés, les cris de joie envahissent le vestibule jusqu’à en devenir embarrassants. Le bonheur bruyant et encombrant éclate dans la scène trop appuyée de retrouvailles, vue encore à travers les yeux de l’enfant et dans son ressenti d’un envahissement de tous ses sens.
Comme dans une course de relai, le regard sur ce noyau familial se transmet d’une scène à l’autre, passe par les adultes, les pièces rapportées dans une construction libre qui donne à tour de rôle le centre de gravité à chaque petit groupe et à se