Cinéma

L’Amérique fracturée – sur Les Damnés de Roberto Minervini

Critique

Poursuivant, avec Les Damnés, le portrait des résistances des laissés-pour-compte de son pays d’accueil, les États-Unis, Roberto Minervini revient ici aux sources de la fracture : la guerre de Sécession. Avec pour objectif de remettre l’humain au cœur, plutôt que le grandiose de la guerre et de l’Histoire. Entre documentaire et fiction, une poignée d’hommes permet d’explorer l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui et de sonder ceux qui la composent.

Installé aux États-Unis depuis vingt ans, l’italien Roberto Minervini dessine, depuis The Passage, son premier long métrage, en 2011, un portrait de son pays d’accueil irrigué par la division et la résistance passive des laissés-pour-compte. Celle des white trash de Louisiane contre le pouvoir institutionnel dans The Other Side, qui disait, en 2015, combien Obama était honni par cette population.

publicité

Celle de la communauté afro-américaine de Baton Rouge dans What You Gonna Do When the World’s on Fire ? (2018). Il n’est donc pas surprenant de voir le cinéaste remonter à l’un des symptômes majeurs de la fracture de cette nation : la guerre de Sécession. Comme à son habitude, c’est par la bande qu’il aborde son sujet, depuis un point de vue marginal tant géographiquement que narrativement.

Le temps palimpseste

Les Damnés s’installe loin de la première ligne du conflit, dans l’actuel Montana, au nord-ouest du pays, en plein territoire du Dakota. Loin du front, puisque la mission des enrôlés volontaires qu’il prend pour sujets n’était pas de combattre, mais relevait, surtout, de la surveillance stratégique sur les voies de communication entre l’est et l’ouest du pays et des sympathisants confédérés venus du sud.

On retrouve le goût du cinéaste pour le mélange entre documentaire et fiction. Le reenactment irriguait déjà son cinéma documentaire : Minervini ne s’est jamais interdit l’interaction avec ses « personnages » et a souvent décidé avec eux de scènes qu’ils pourraient rejouer pour la caméra, ne s’en cachant pas puisqu’il utilise même le champ-contrechamp, figure éminemment fictionnelle. Mais il a aussi utilisé le documentaire pour questionner le rejeu des gestes anciens : dans What You Gonna Do When the World’s on Fire ?, il suit un Black Indian, descendant des communautés d’esclaves réfugiées dans les tribus natives après avoir réussi à échapper à leurs bourreaux. Dans une parade musicale, ces métis arborent des costumes mêlant folklore amérindien et noir et


Rayonnages

Cinéma Culture