Chien noir, loup blanc – Sur Black Dog de Guan Hu
Levons d’emblée un mystère interprétatif : Black Dog de Guan Hu est une fable politique. Située dans les confins de la Chine, au bord du désert de Gobi dans les années 2000, cette reconstitution historique s’achève sur la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin en 2008 et s’appuie sur une inévitable comparaison avec la Chine contemporaine.

À plusieurs instants, Black Dog insiste sur sa nature allégorique : par exemple, Lang, son personnage principal, se retrouve confiné suite à la morsure d’un chien errant renvoyant inévitablement à la politique sanitaire du régime chinois lors de la crise Covid. Cette lecture, assénée en partie par le film, révèle tout de même une part de nouveauté à la fois dans la façon dont le cinéma chinois met en scène l’histoire récente du pays et, plus généralement, dans les formes contemporaines que prend le cinéma d’histoire.
Nul n’est étonné par la présence au casting (dans un rôle très secondaire) de Jia Zhangke, récemment auteur du film Les Feux sauvages. D’autant que Guan Hu et Jia Zhangke participent tous deux de la Sixième Génération du cinéma chinois, tous deux étudiants de l’Académie de cinéma de Pékin et devenus réalisateurs à la fin des années 1990, après la chute du bloc de l’Est et la répression de Tian An Men. Jia Zhangke, cinéaste originaire du Shanxi, s’est fait le peintre et le romancier de la Chine du « socialisme de marché » sur laquelle il jette un regard rétrospectif dans Les Feux sauvages en recyclant les images de ses films réalisés depuis les années 90. Pour saisir une transition rapide, recomposant le paysage et les liens sociaux, l’image y change de nature, habitée d’une inévitable téléologie.
C’est le cas, aussi, dans Black Dog où le récit converge vers une date de rupture, lieu d’une triple mort. L’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin correspond en effet à la mort de ce chien noir que Lang, ex-motard sorti d’années de prison pour meurtre, recueille alors qu’il est membre d’une patrouille ce