Cinéma

Un jour sans fin – sur La Festa Major de Jean Baptiste Alazard

Critique

Chaque année depuis plus de cent ans, un petit village des Pyrénées perpétue sa tradition en organisant la Festa Major, célébration qui donne son titre au nouveau documentaire de Jean-Baptiste Alazard. « Il faut que tout change pour que rien ne change », serait-on tentés de constater devant le spectacle de ce rituel transmis de générations en générations ; une festivité sous le signe de l’utopie, où le passé est convoqué comme pour se retirer du passage du temps.

En 1968, Jean Eustache filmait dans sa ville de Pessac la tradition de la Rosière, fille vertueuse et méritante dont l’élection parmi ses semblables visait à représenter par métonymie la pureté de la ville entière. En anthropologue, le cinéaste documentait en une journée la cérémonie et le défilé. Dans ce rituel rassurant, la communauté pessacaise insufflait dans des gestes immuables une morale dont il avait peur qu’elle ne disparaisse.

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Dix ans plus tard, le cinéaste retourne dans sa ville natale pour un film identique et dévoile, au carré, son intention première : le monde a changé, comme en témoignent l’architecture bouleversée des rues, les tenues et coiffures, les voitures, dont le style a changé. Pourtant, le rituel rassemble sans ciller autour d’un code établi près de cent ans auparavant.

Jean-Baptiste Alazard avait-il le film d’Eustache en tête, le rapport troublant entre sa face A et sa face B, quand il a réalisé La Festa Major ? Il reprend en tout cas au film d’Eustache ce drôle de jeu qui s’établit entre l’immanence de l’ici et maintenant de la fête, et la transcendance de sa tradition qui fait que d’autres avant nous ont adopté les mêmes comportements et que d’autres, après, en endosseront d’identiques eux aussi. L’une des villageoises le concède : « On n’invente rien ».

Comment on vit ensemble, comment on habite le monde, étaient déjà les questions qui peuplaient L’Âge d’or (2020) de Jean-Baptiste Alazard, dont la critique Caroline Châtelet écrit qu’elle a eu envie de « vivre dans ce film » en le découvrant. Le sentiment que déclenche La Festa major est similaire. En voyant documentée la fête de cinq jours qui s’organise chaque été depuis plus de cent ans dans le village des Pyrénées qu’habite le cinéaste, on a envie de s’y glisser et d’y danser. Elle réveille en nous un désir atavique de célébrer, de laisser la ferveur emporter notre corps. Les participants prennent en charge l’organisation, pensent les étapes de la fête, ses costumes, ses vic


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