Extases, alchimie et dragons à Paris – sur Berserk & Pyrrhia et As Above So Below de Mark Leckey
«Le flux qui s’écoulait de son nez de sa bouche de ses oreilles, de ses oreilles était tellement copieux ; elle n’en concevait pas d’horreur, et s’en émouvait par un flot de larmes » (Vie de Lydwine de Schiedam, XVe siècle).
Les mystiques, comme la malheureuse Lydwine, dont la vie ne fut qu’un enchaînement de maladies suppurantes, s’émeuvent aux larmes de l’étreinte invisible de leur divinité, et la remercient sans fin de les accabler de vomissements et d’infections.

Les textes et les images du Moyen Âge possèdent une capacité de dépaysement singulière. Apparemment proches (dragons, chevaliers et christianisme) et pourtant si éloignés (hiérarchisation des êtres, mécanique des fluides, violence sanglante). Le Moyen Âge « est à la mode » (comme me le disait une étudiante) : la fantasy feint de nous rendre châteaux forts et cathédrales limpides, et pourtant on n’y comprend pas grand-chose.
Et cette année, publicité pour la restauration express de Notre Dame de Paris aidant, c’est la saison médiévale dans les expositions parisiennes. Berserk & Pyrrhia est un copieux projet, qui réunit le Plateau (Frac Ile de France), ses réserves à Romainville, le musée de Cluny-Musée National du Moyen Âge, et une foules d’autres lieux en Île-de-France, sous le commissariat conjoint de Céline Poulin, Camille Minh-Lan Gouin et Michel Huyn. La directrice du Plateau avait déjà collaboré avec un universitaire (Damien Delille) pour remettre en cause les prétendus acquis de la modernité en termes de spiritualité, de genre et de sexualités (Sâr Dubnotal, CAC Brétigny, 2020). Dans une autre veine critique, cette exposition ubiquitaire associe œuvres contemporaines et médiévales, en s’inscrivant d’emblée dans le monde de la fantasy : elle fait référence par son titre à un classique du manga de chevalerie de Kentarō Miura (Berserk, 1996-) et à l’île peuplée de dragons des Royaumes de Feu imaginée par l’autrice Tui Suterland (Wings of fire, 2012-).
Presque en même temps, à la Fondation L