Soigner son expression – sur Sauve qui peut d’Alexe Poukine
Le titre international de Sauve qui peut d’Alexe Poukine ne s’en tient pas à la stricte traduction en anglais « Every man for himself » de l’expression française. Au contraire, ce titre lui substitue une autre expression non moins évocatrice : Who cares ?

S’il privilégie le concept anglo-saxon du care, entendu comme soin ou préoccupation, sur celui du sauvetage, le vendeur international a au moins mis l’accent sur qui en fait preuve, qui sauve et qui soigne. Car c’est bien des personnages et de leurs interactions dont il est question dans Sauve qui peut, des personnages de soignants, étudiants et professionnels, qui simulent des échanges et des situations auxquels ils seront et ont été amenés à se confronter.
Les premières minutes de ce documentaire franco-belge présentent une situation que la réalisatrice va par la suite décliner. On y suit la simulation d’une annonce de mauvaise nouvelle : de l’arrivée du comédien incarnant le patient, sa lecture de la description du rôle, la confrontation du jeune soignant avec lui puis le feedback lors duquel le comédien, accompagné d’une psychologue, revient sur la scène. Ces simulations d’annonces de mauvaise nouvelle naissent d’une initiative spontanée et non ministérielle : leur mise en place est récente, encadrée par quelques superviseuses et intégrées au cursus universitaire en médecine.
Dans la continuité du cinéma de Frederick Wiseman, Sauve qui peut cherche à épuiser un sujet institutionnel qui, déplié tout au long du film, offre une palette de situations qui caractérisent une conception du soin qui ne se réduit pas uniquement à l’acte mais à la manière dont il est performé. Dans les feedbacks, les comédiens ne reviennent pas uniquement sur les mots des étudiants mais aussi sur des attitudes non-linguistiques, des postures, des marques d’attention, jusqu’à relever la manière dont certains serrent la main. Dans ce cadre, toute scène de Sauve qui peut fait l’objet d’une analyse a posteriori, un retour discursif