Ce que Sly Stone et Brian Wilson nous ont (dés)appris
La coïncidence des dates est perverse, mais aussi tout à fait juste. La mort quasi simultanée de Sly Stone et Brian Wilson, en quelques heures d’écart, raconte-t-elle quelque chose de notre histoire ? Le fait de faucher quasi en même temps deux figures puissantes de la musique venue des Etats-Unis et qui ont modelé nos oreilles, n’est-elle pas la dernière mise à mort symbolique de l’Amérique utopique des sixties ?

La disparition de ces deux musiciens, et l’élan de tristesse qui a suivi, semblent dire la fin d’un pays imaginaire, au moment même où le président des Etats-Unis Donald Trump déclare la guerre à la Californie, ce berceau fantasmé dans lequel les Beach Boys sont apparus. Que dit la vague de violence déclenchée par Trump ? Elle pointe le fait que la Californie, dans son imaginaire, est un état rebelle, un lieu à dompter. En cela, et malgré une réalité politique et sociale bien plus complexe, cet Etat représente bien encore les derniers soubresauts de la liberté américaine fantasmée dans les disques de Sly Stone et des Beach Boys.
Tous deux ont contribué à façonner nos imaginaires d’auditeurs pris dans les filets de leurs mélodies, rythmes, harmonies, temporalités : leur musique a été le tremplin vers des prises de conscience qui nous ont permis d’apprendre et regarder le monde différemment. Le premier, Sly Stone, a été l’un des grands contributeurs à l’émergence populaire et mondiale d’une musique américaine noire, revendiquant sa fierté, sa violence, son inventivité, sa singularité, menant le son déjà international des labels Motown et Stax, vers une dimension politique et violente bien plus accrue.
Son album There’s A Riot Going On proposait à sa sortie en 1971 l’image d’un pays en proie à des déchirements interminables et que la musique n’avait jusqu’alors pas permis de visionner ou d’entendre d’une façon aussi directe. Cet album était une réponse explicite à celui de Marvin Gaye, What’s Going On, qui interrogeait la brutalité du mond