Littérature

À partir du blanc – sur Paysage de fuite de Wolfgang Hermann

Critique littéraire, écrivain

Condamné à l’immobilité de la chambre d’hôpital après un grave malaise, le narrateur de Paysage de fuite explore par le souvenir ce qui a façonné son existence. L’auteur autrichien Wolfgang Hermann part sur les traces de la longue fuite en avant de son personnage, où ce qu’on devine importe presque plus que ce qu’on lit.

Les romans ont une couleur. Dans Paysage de fuite, c’est d’abord le blanc. Celui d’une chambre d’hôpital dans laquelle le narrateur, victime d’un infarctus, se trouve allongé : « Cette chambre s’en va vers un nulle part. Comme si elle flottait. C’est un non-lieu. Un endroit passe-partout. Il n’existe qu’une seule chambre d’hôpital au monde, c’est la même en tous lieux. » Nous connaissons tous cette chambre : c’est l’existence telle que la dit Mallarmé dans « Les fenêtres ». Et à l’instar de tout un chacun, le narrateur ne peut connaître la tranquillité.

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Mais ce blanc-là, celui de cette chambre qui l’a « projeté hors du temps » n’est pas le seul. Le blanc est dans le corps et la tête du personnage qui flotte entre la vie et la mort, entre présent et passé, dans une sorte de nuage ou dans une survie floconneuse. La chambre d’hôpital le renvoie au moment de la naissance, quand « le monde se réduisait à un parfum de femme ». « J’étais un habitant du ciel » répète le narrateur, après une évocation de sa mère, de la sensualité qui les unissait dans les tout premiers temps. La mère, première femme aimée. Mais dans un cadre blanc incluant la neige, puisque le paysage d’enfance, ce sont les montagnes qui surplombent le lac de Constance. Voilà pour commencer.

Lire Paysage de fuite est entrer par les sensations et les émotions dans un monde aux contours incertains.

Partons de ce titre : il apparaît dans un passage en italiques, écrit à la troisième personne. On les lira comme des pages de l’écrivain qu’est le narrateur. Beaucoup de ces extraits, moments d’un texte en construction, se lisent aussi comme des poèmes en prose. Les descriptions de paysage y occupent une large place comme dans l’œuvre de Wolfgang Hermann. On attend ainsi la publication de poèmes en prose aux Éditions de la Coopérative.

L’intrigue du récit est faite de mouvements incessants. Autant de contradictions ou de déchirements entre des êtres aimés, des lieux, l’enfance et la perspective de la mort.


Norbert Czarny

Critique littéraire, écrivain