CINÉMA

Adieu au langage – sur Oui de Nadav Lapid

Critique

Écrit avant le 7 octobre, le nouveau film de Nadav Lapid, réalisateur israélien, balance dans une contradiction : le geste subversif de tourner un pamphlet contre la militarisation de la société israélienne, tout en effaçant les Palestiniens puisque Y., le personnage principal, ne veut pas les voir. On retrouve le même fiel contre un pays fascistoïde que chez Thomas Bernhard, auteur du roman Oui – un carnaval grimaçant.

Depuis que Oui a été présenté à la Quinzaine des cinéastes au mois de mai dernier, le monde a largement changé, rendant en partie caduque la dimension documentaire et politique du cinquième long-métrage de Nadav Lapid.

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Le génocide en cours à Gaza a été dénoncé par de nombreuses voix à travers le monde et l’horreur de l’épuration ethnique franchit chaque jour d’insupportables paliers dans une inaction absolue de la communauté internationale. Ce basculement dans l’horreur donne quelque chose d’obsolète à ce que Oui relate de l’insouciance d’une société israélienne belliqueuse se vautrant dans la fête à quelques kilomètres des bombes et jouissant même de l’idée d’asservissement du peuple palestinien pour en tirer un sentiment de puissance. Car une part minoritaire de la jeunesse fait dorénavant entendre sa voix en préférant la prison à la conscription.

Depuis le printemps, le film a été projeté au Festival de Jérusalem en présence de son auteur. Même si aucune sortie nationale du film n’est prévue dans le pays du cinéaste, la salle a plutôt bien accueilli la projection en dehors de quelques réactions virulentes. Lors du débat animé par son compatriote, le cinéaste Ari Folman, Nadav Lapid déclarait, comme le relevait Télérama le 22 juillet dans un compte rendu de cette séance agitée : « Nous devons nous poser la question de ce que nous avons montré dans les vingt dernières années. A-t-on vraiment dépeint Israël tel qu’il était ? A-t-on vraiment sondé les tréfonds de l’âme du pays ? Si cela avait été le cas, le public international serait moins sidéré par ce qui se passe à Gaza. »

« Ça continue à cause de cons »

Le sujet de Oui, ce sont donc bien ces « tréfonds de l’âme du pays ». Car, il faut bien le reconnaître, Oui n’est pas vraiment un film politique. Ou plutôt, il l’est de façon sinueuse, oblique, retorse. Il est politique dans la virulence du portrait de groupe que le cinéaste fait de son pays où il ne vit plus depuis 2022. Il l’est dans la façon dont son


[1] Hughes Jallon, Le Temps des salauds, Divergences, 2025. – Ndlr : voir le magazine vidéo « Livraisons #1 » d’AOC, où Hugues Jallon présente son livre.

Notes

[1] Hughes Jallon, Le Temps des salauds, Divergences, 2025. – Ndlr : voir le magazine vidéo « Livraisons #1 » d’AOC, où Hugues Jallon présente son livre.