Critique

Éclairé par la seule lumière d’une lampe torche, un bâtiment vide se dévoile par fragments à nos regards. Il s’agit d’un hôpital désaffecté que le cinéaste investit avec les fonctionnaires démissionnaires qu’il a castés pour témoigner dans ce documentaire de la façon dont leur vocation a été mise à mal par le délitement de la fonction publique. Ce décor d’épave va servir de refuge à ces naufragés du service public le temps d’un tournage.

Sorte de Titanic échoué, comme abandonné précipitamment, il évoque la gloire passée d’une administration jadis synonyme de stabilité pour ses agents. Avec les lois de finance du début des années 2000, le sens de ces professions se perd dans une course aux économies et dans un rapport hiérarchique obsédé par la rentabilité aux dépends du service des usagers. Le choix de Jean Boiron-Lajous pour raconter ce démantèlement du service et ce malaise croissant au travail est d’avoir fait appel à des démissionnaires de différentes branches, justice, police, enseignement, poste, santé et de chercher un dénominateur commun à ces professions qui en présentent peu à priori, sinon le fait de constituer des piliers de la vie en société.

« Ça n’a pas cassé partout au même moment » dit l’un d’eux. Du côté de la police, c’est la politique du chiffre initiée par Nicolas Sarkozy qui a incité à multiplier les petites arrestations aux dépends de longues enquêtes. Le passage de la Poste en société anonyme en 2010, les lois Blanquer dans l’éducation nationale qui incite l’arrêt des filières non rentables, même en cours de cursus des élèves, le New Public Management dans la médecine. Chacun raconte à tour de rôle comment ces consignes venues d’en haut ont dévoyé les métiers au point de leur faire vivre un écartèlement entre la vocation initiale et l’enchaînement absurde et incessant de tâches. Leur démission s’est pour la plupart doublée d’un burn out.

Les lois de l’hospitalité

« Cette histoire de suicides, c’est terrible, ils ont gâché la fête »