Critique

Qu’est-ce qu’on adapte quand on passe un roman à l’écran ? Drôle d’alchimie que ce mélange entre un récit de mots et d’images. Du roman autobiographique et poétique publié par Fatima Daas en 2020, à seulement 25 ans, la cinéaste Hafsia Herzi a remis la langue fragmentaire de cri de rage dans l’ordre chronologique et lui a donné son style propre. Comme une chimère, donc, La petite dernière fait le récit de Fatima Daas, dans un style naturaliste où prime la douceur de la cinéaste et à quoi s’ajoute la personnalité sauvage de son interprète.

Castée dans la rue, Nadia Melliti apporte son naturel introverti à un personnage devenu taiseux en passant des pages à l’écran. Fatima, le personnage, exprime très peu ce qu’elle pense et navigue, mutique, entre ses différents centres. De fait, elle est aussi une chimère, personnage protéiforme qui s’adapte aux milieux très différents dans lesquels elle évolue avec une aisance discrète. Le foyer modeste et aimant (les pâtisseries dont la mère inonde sa cuisine à chaque scène ne sont rien d’autre que de l’amour sous forme de glucides) où elle est la petite dernière d’une fratrie de trois sœurs. Le lycée où elle est bonne élève, seule fille dans un groupe de garçons. La foi ou le foot qu’elle pratique en solitaire et avec application.

Fatima est un personnage transfuge qui va migrer d’une cité de banlieue à Paris intra-muros, du lycée à la fac, de sa relation chaste et non épanouissante avec un garçon un peu mou à des rencontres avec des filles. Comme l’affiche du film qui la montre devant les murs de zellige de la Mosquée de Paris, le film joue des rapports entre sa figure et les différents décors dans lesquels elle se fond sans difficulté. Celui du restau U, de la fête bourgeoise d’étudiants ou des bars gays de la capitale. Hafsia Herzi ne travaille jamais le coming out de cette jeune musulmane de banlieue comme un écart entre elle et son monde mais toujours comme un écart entre elle-même et ce qu’elle pensait être. Accue