Antonio Carlos de Souza Lima et Edmundo Pereira : « Parler du Musée National, c’est parler des peuples indigènes et de l’histoire du Brésil »
Des visiteurs parcourent la pelouse de la Quinta da Boa Vista, un parc de la zone nord de Rio de Janeiro, certains les yeux en l’air, quand d’autres s’arrêtent pour prendre une photo. « Arthur est venu ici avec l’école » ; « Moi, j’ai une photo de dinosaure que j’avais prise ici » ; « J’avais besoin de venir pour voir, c’est un sentiment de perte » ; « Mes enfants ne pourront plus venir ici ». Quelques jours après l’incendie, devant les ruines du Musée National, on entend encore les lamentations de gens qui savent avoir perdu un peu de l’histoire récente de leurs propres vies, et beaucoup d’une histoire bien plus grande.
La vice-directrice de l’institution, Cristiana Serejo, a déclaré que l’incendie avait détruit près de 90% des collections. Avec près de 20 millions d’objets, c’est une grande partie de l’histoire brésilienne qui vient de partir en fumée : « C’est l’histoire brésilienne dans ce qu’elle a de plus étincelant et de plus cruel », résume le chef du Département d’Anthropologie du Musée National, Edmundo Pereira, avec qui nous avons eu l’occasion de discuter. Pour lui, comprendre les collections du Musée National, c’est comprendre le Brésil, « une histoire coloniale où beaucoup d’objets proviennent de processus très violents ». Edmundo Pereira était en charge de la gestion des collections du Musée et venait justement de commencer un vaste travail de numérisation des fonds.
Dans ces locaux, il y avait aussi le département d’anthropologie de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), où Antonio Carlos de Souza Lima, professeur d’ethnologie amérindienne, a fait ses études. Il a aussi contribué à des recherches essentielles pour la reconnaissance et la cartographie des terres indigènes au Brésil, ainsi que pour l’adoption de mesures de discrimination positive en faveur des Amérindiens. Ce professeur, qui a travaillé dans différents secteurs du musée pendant 38 ans, affirme que les subventions du Musée National, reversées par l’UFRJ, ont brutalement chuté