Tuna Altınel : « Mon procès n’a aucune raison d’être »

Politiste, Ingénieur électronicien et docteur, Politiste

Le 19 novembre, Tuna Altinel, mathématicien à l’Université Lyon-1, comparaîtra une seconde fois devant le tribunal de Balıkesir, en Turquie, où il sera jugé pour terrorisme en raison de sa participation à une soirée autour de la question kurde à Villeurbane, risquant jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Alors que, privé de passeport par les autorités, il est retenu en Turquie depuis plus de sept mois (dont trois en détention), il a accepté de partager à Istanbul son point de vue sur la singularité de son procès, ainsi que ses inquiétudes quant à la situation des universitaires turcs aujourd’hui.

Ces trois dernières années, la liberté académique a été menacée en Turquie. Une simple pétition publiée le 11 janvier 2016 et signée par 2212 universitaires a permis au régime actuel de lancer une longue et vaste campagne de répression.  Des centaines d’universitaires ont été licenciés, 822 procès ont inculpé de « crimes » bon nombre des signataires de ce texte appelant à la fin de la guerre dans la région kurde et à un règlement négocié. La moitié d’entre eux ont perdu leurs postes par décret-loi. Des collègues qui exercent en Turquie ont été emprisonnés. Puis libérés[1].

Un tournant semble avoir été marqué, le 26 juillet 2019, avec la décision de la Cour constitutionnelle turque condamnant la violation de la liberté d’expression. Conformément à cette décision, les procureurs publics ont commencé à rendre des décisions d’acquittement. Jusqu’à présent, 491 universitaires ont été acquittés et 147 procès sont encore en cours. Pour autant, aucun des universitaires congédiés n’a récupéré ni son poste à l’université ni son passeport. Ils ne peuvent ni vivre de leurs recherches en Turquie, ni circuler librement. Une aide internationale sur place pour les insérer dans nos réseaux de recherche, malgré ces entraves, s’avère plus que jamais indispensable.

Mais, fait exceptionnel, ce ne sont pas seulement les fonctionnaires de la Turquie qui ont été visés par ces procès. Tuna Altinel, enseignant-chercheur en mathématiques, en poste à l’Université de Lyon 1 depuis 1996,  est bloqué en Turquie depuis le 12 avril 2019. Son passeport lui a été confisqué par les autorités turques lors de son arrivée à l’aéroport d’Istanbul, avant qu’il ne soit arrêté le 10 mai et emprisonné le 11 mai 2019. Après 81 jours passés en prison, il a bénéficié d’une remise en liberté provisoire le 30 juillet, mais sans se voir restituer son passeport. Il ne peut donc sortir du pays et, par conséquent, ne peut assurer ses enseignements à Lyon. Il a adressé un texte à l’opinion publique en France.

Ce 19 no


[1] Le 15 mars 2016, les universitaires Esra Mungan (Université de Boğaziçi), Kıvanç Ersoy (Université Mimar Sinan), Muzaffer Kaya (Université de Nişantaşı), Meral Camcı (Université de Yeni Yuzyıl) ont été arrêtés et placés en détention pour avoir signé la Pétition pour la paix. Ils ont été libérés deux mois après. Plus récemment, Fusun Ustel (Université de Galatasaray) a été condamnée à 15 mois de prison, le 25 février 2019, puis emprisonnée le 8 mai et libérée le 22  juillet 2019.

 

Pascale Laborier

Politiste, Professeure à l'Université Paris Nanterre/ISP/Fellow IC Migrations

Selim Eskiizmirliler

Ingénieur électronicien et docteur, Diplomé de l'Université Technique du Moyen-Orient et docteur de Telecom Paris Tech

Haydar Tastan

Politiste, Doctorant en sciences politiques à l'université Paris Nanterre

Notes

[1] Le 15 mars 2016, les universitaires Esra Mungan (Université de Boğaziçi), Kıvanç Ersoy (Université Mimar Sinan), Muzaffer Kaya (Université de Nişantaşı), Meral Camcı (Université de Yeni Yuzyıl) ont été arrêtés et placés en détention pour avoir signé la Pétition pour la paix. Ils ont été libérés deux mois après. Plus récemment, Fusun Ustel (Université de Galatasaray) a été condamnée à 15 mois de prison, le 25 février 2019, puis emprisonnée le 8 mai et libérée le 22  juillet 2019.