Delépine & Kervern : « On n’est pas loin des débuts du cinéma »
En même temps est le 10e long-métrage du duo de réalisateurs Benoît Delépine et Gustave Kervern. Après un certain nombre de road-movies sociaux, ils arpentent cette fois-ci – à pied, en voiture ou en trottinette – les chemins de la politique locale : Pascal Molitor (Vincent Macaigne) est un maire écologiste et Didier Becquet (Jonathan Cohen) est le maire d’une commune voisine d’une droite assez extrême. Ils se retrouvent à un dîner, l’un cherchant à corrompre l’autre, autour de la création d’un parc de loisirs en lieu et place d’une forêt primaire. Piégés par un groupe féministe, ils se retrouvent collés. Cette cohabitation subie les contraint à évoluer ensemble, en marche vers une solution – en toute discrétion, pour mettre fin à cet attelage.
La situation est bien sûr propice à de nombreux gags visuels, orchestrés par deux acteurs aux jeux rythmés par des dialogues ciselés. La forme du film – par le choix des cadres et par le jeu des acteurs lie finement burlesque et poésie. Après une scène de dialogue argumenté et précis entre les deux maires, cadrée large et en plan fixe comme un débat d’entre deux tours, le film va ensuite accompagner les démarches – cadencées – du duo désormais collé, qui appréhende ce nouveau corps à deux têtes et la réalité matérielle du monde – se lever, s’assoir, conduire une voiture, marcher. À partir d’une idée potache, la comédie des Grolandais s’avère furieusement fertile et nous donne à voir le portrait de notre société avec précision (féminisme, écologie, politique locale, greenwashing etc), une certaine tendresse et sans cynisme.
Les cinéastes nous parlent de leur façon de travailler, entre assurance et fragilité de façon à conserver un goût certain pour l’improvisation. Q.M.
Vos projets de films s’élaborent parfois dans la contrainte – comme la disponibilité d’un acteur par exemple. Là, aviez-vous dès le départ envie de coller la sortie du film aux élections présidentielles ? À quel moment avez-vous démarré l’écriture ?
Benoît Delépine : C’est devenu lié à la contrainte des élections, dans un second temps. Au départ, pendant le confinement – période censée être propice à l’écriture, nous étions, comme la plupart des gens, totalement tétanisés chez nous. On n’arrivait pas à écrire un mot pendant tout un moment. On ne savait pas ce qu’allait devenir la société, si tout n’allait pas se casser la gueule et finir dans le chaos. Ensuite, on a essayé quand même d’écrire à partir d’une première idée. Au bout de 60 pages, on a abandonné. Puis une deuxième idée. Pareil, abandonné.
On est ensuite revenu à une idée qu’on avait eue quelques années auparavant avec un mec de droite et un mec de gauche qui se retrouvaient ensemble, comme dans le film. Idée qui nous avait fait hurler de rire à l’époque. Aujourd’hui, cette idée nous fait encore rire, faisons-là évoluer avec quelqu’un de droite un peu extrême et un écologiste. On est partis là-dessus, avec beaucoup de difficulté à financer le film. Certains pouvaient trouver la situation de base – ils sont collés l’un derrière l’autre – un peu glauque. Aucune chaine TV. Les acteurs étaient enthousiastes, ce qui nous a permis de croire que ça valait le coup de continuer. On a eu l’avance sur recette au deuxième tour, on a pu tourner, mais fallait se dépêcher : tourner en décembre, monter en janvier et février, faire le son, et sortir en avril, pour la présidentielle.
Coller gauche et droite dans un même mouvement n’est pas uniquement lié au mot d’Emmanuel Macron, en même temps ?
Benoît Delépine : La problématique politique sera toujours là. Sur les frontons des mairies, la liberté, c’est plutôt la droite, l’égalité, plutôt la gauche, et la République est censé amener une sorte de fraternité. On retrouve cette même ambivalence aujourd’hui, en axant trop sur la liberté, l’individualisme triomphe contre le collectif, on arrive à des inégalités atroces. C’est intéressant de montrer ça avec deux personnages qui ne peuvent pas se décoller. Ils sont obligés de rester ensemble. Former un même corps.
Former un même corps, dysfonctionnel, c’est une forme burlesque stimulante poétiquement et politiquement.
Benoît Delépine : C’est une idée à la fois philosophique, politique et burlesque. C’est pourquoi ça valait le coup de foncer. Et cinématographiquement, cela ouvre de nombreuses possibilités formelles.
Votre idée de départ est proche de l’esprit Hara-Kiri, et en même temps, le film est très réaliste dans la façon d’évoquer la situation concrète d’un conflit politique local, avec les éléments de langage afférents, que vous maîtrisez bien – on le voit dans Groland.
Gustave Kervern : On hésitait à arrêter le cinéma parce qu’on trouvait qu’on faisait toujours la même chose – des road-movies etc. Nos précédentes idées ressemblaient trop à ça. Cette idée, resurgie de nos mémoires, nous a semblé effectivement un peu plus folle. Dans cette période de moindre fréquentation des salles de cinéma et de développement des plateformes, on s’est dit « quitte à faire un film, autant que ce soit un truc un peu dingue ». Qui attire un peu les gens, et nous excite nous. On est passés par des périodes de doute. Alors que toutes les chaînes de TV réclament un peu d’originalité dans les scénarii, quand tu présentes un truc un peu différent, qui sort de l’ordinaire, ils n’en veulent pas.
Les difficultés rencontrées à la lecture de votre scénario venaient de la façon dont les deux personnages se retrouvaient collés ?
Benoît Delépine : On n’en sait rien, ce ne sont que des non-dits. En vrai, la raison ne peut-être que celle-là. On ne nous le dira jamais, même en parler est indicible.
Le cinéma burlesque souffre souvent de l’écrit. Une situation burlesque se regarde. Dans une mise en scène. Et avec des acteurs – ici incroyables. Vous pensiez à ces acteurs dès l’écriture ?
Benoît Delépine : Le sujet était tellement casse-gueule qu’au tout début, avant l’écriture du scénario à proprement parler, il nous a fallu nous assurer des acteurs. On n’allait pas écrire, puis être refusé par tous les acteurs. On a donc d’abord téléphoné à deux potes, de notre famille cinématographique : Bouli Lanners et Denis Podalydès. Ils étaient morts de rire sur l’idée, et sur le synopsis. Partants. Ce qui nous a rassurés. On a écrit le script. Ensuite, Bouli a eu un petit pépin de santé et ne pouvait plus tourner en août. Le tournage a été reporté, mais Denis ne pouvait pas tourner en décembre – il était au théâtre. On a dû trouver une autre solution.
Et puis, à la cérémonie des Césars, l’année dernière, où nous étions nommés pour le scénario de notre précédent film Effacer l’historique, on se retrouve à la fin sur le trottoir avec tous les invités qui n’ont rien reçu – parce que ceux qui ont un césar sont ramenés chez eux en taxi. On s’est donc retrouvé avec tous les losers des Césars sur le trottoir. On était encore dans le Covid, tout était fermé. Pas un café d’ouvert. Et au milieu de tous les bons acteurs présents, Jonathan Cohen et Vincent Macaigne viennent nous voir spontanément. On les appréciait à fond, mais c’est devenu une évidence en les voyant ensemble – ils s’entendaient bien, ils avaient la même taille, autant d’enjeux important pour le film !
Gustave Kervern : Ils lisent le scénario chacun de leur côté, et nous appellent direct « bien sûr qu’on le fait, trop drôle etc ».
Vous avez écrit sans penser à ces acteurs, est-ce que vous jouez vous-même les situations à l’écriture pour trouver le bon rythme ? Vous écrivez chacun des scènes différentes ?
Gustave Kervern : Nous nous réunissons deux ou trois fois pour trouver l’histoire complète. On aime bien terminer le film par une chute, un twist comme on dit. On est de l’école du sketch. On a utilisé toutes les méthodes, on écrit parfois ensemble, parfois séparément. Pour ce film, on a loué un hôtel à Châtelaillon. La ville était morte pendant un énième retour du Covid. Nous racontions le film aux mecs de l’hôtel, ils étaient perplexes. Nous nous sommes ensuite réparti les scènes, mais chacun peut revenir sur la scène de l’autre, on ajoute un dialogue pour augmenter une connerie. C’est vraiment un long travail. On a dû écrire 50 versions. On se paume dans nos versions.
Benoît Delépine : Une scène peut sauter totalement. L’important, c’est la fluidité du film. On avait un final délirant au départ. On s’est dit qu’en terminant sur un gag énorme, ce serait drôle, mais ça apportait une voie nihiliste. Ça donnait le sentiment qu’on se fout de tout, alors qu’on croit vraiment à la cause écologiste et à la cause féministe. On ne voulait pas tout ridiculiser dans une scène de fin.
Avez-vous une idée visuelle du film, des situations au moment de l’écriture ?
Benoît Delépine : On a quelques gags visuels, des idées sur la manière de les tourner, mais le plus souvent, on compte sur nous et l’équipe pour trouver les plans le jour même du tournage.
Gustave Kervern : Il nous fallait les imaginer, dès l’écriture, l’un derrière l’autre pour nourrir les gags. Ce qui était vachement intéressant. Nous avons souvent des difficultés avec la fin de nos films, certaines fins n’étaient d’ailleurs pas écrites au moment du tournage, ce qui nous causait beaucoup de stress quand même. On en a bavé sur Le Grand soir. Ici, au départ, les deux restaient collés jusqu’au bout. Ils n’avaient pas trouvé « l’antidote ».
Benoît Delépine : On avait une fin un peu survivaliste.
Gustave Kervern : Ils se retrouvaient seuls dans la forêt avec un gars qui s’enterrait dans les bois avec des vivres, en attendant la troisième guerre mondiale, en gros.
Benoît Delépine : C’est un rôle qu’on a proposé à plusieurs grands acteurs. Ils ont tous refusé. C’était une nouvelle petite alarme négative sur le projet.
Gustave Kervern : En travaillant pour Groland, on a un rapport de proximité avec un tas de sujets de société, comme vous l’évoquiez. Le sujet survivalisme est intéressant, le personnage aussi mais ça n’allait pas. On se demandait comment terminer, on a ensuite pensé les décoller complètement. Puis, notre troisième idée – et dernière, a été de les coller par les mains. Qui est une belle idée politique et visuelle. Pour arriver là, c’est beaucoup de temps !
Vous répétez avec les acteurs en amont pour les questions de rythme, de déplacements etc ?
Benoît Delépine : Tiens-toi bien, c’est notre folie – c’est aussi parce qu’on est deux, on est sûr d’y arriver au final, si l’un de nous a une faiblesse, l’autre compense : nous ne faisons aucune lecture, aucune répétition, aucun story-board. On a même peur de faire se rencontrer les acteurs avant le tournage – ils pourraient faire marche arrière. Ou arrêter parce qu’il n’y a pas beaucoup d’argent à la clef. Sur notre film Near Death Experience, on n’a pas fait d’essai fringues avec Houellebecq. On n’avait rien signé avec lui, s’il n’avait pas aimé l’essayage à Paris, son maillot de cycliste Bic, il aurait pu dire « ciao les gars ». Tout s’effectue dans une espèce de folie.
Pour En même temps, ils se connaissaient, c’était un peu différent. Des essayages ont eu lieu parce qu’il fallait voir si les vêtements fonctionnaient ensemble. Ne pas faire se rencontrer les acteurs vient aussi de la jurisprudence du Grand soir. Nous avions enfin réuni Dupontel et Poelvoorde pour les présenter l’un à l’autre – on voulait aussi essayer de leur faire baisser leurs salaires. Grande erreur, c’est parti en couille, ils ne voulaient plus faire le film – rien à voir avec les salaires, on n’en a pas parlé. On n’aimait déjà pas faire ça avant mais après Le grand soir, on a complètement arrêté. Nous sommes assez timides parfois. Avec Houellebecq, personne de nous deux n’osait lui demander s’il avait appris son texte. Alors que Gustave et moi, sommes sur les lieux du tournage, pendant les repérages, Houellebecq est dans le train avec notre ingénieur du son, à qui nous envoyons un sms pour qu’il sonde Michel, l’air de rien, pour lui demander s’il sait son texte.
Vous arrivez sur le plateau de tournage sans répétition, sans idée définitive du placement des caméras ?
Benoît Delépine : On a fait les repérages, on sait où on va. On connaît l’équipe super bien, c’est vachement important, on travaille tous ensemble depuis le début. Nous nous apprécions. C’est une grande sécurité. On n’a pas peur. Lorsque les comédiens arrivent, ils ne sentent pas une équipe pétrifiée, ou dans le doute absolu. C’est un film hyper dialogué – on avait des comédiens avec une grosse énergie aussi, un vrai plaisir du texte, nous en avions parlé au téléphone. On se disait qu’ils devaient connaître leur texte, tu ne peux pas arriver sur une scène ou tu as deux pages entières de texte sans le connaitre ! Ou t’es un malade mental. Ils connaissaient leur texte parfaitement. Le premier jour de tournage, on a filmé les scènes de face à face au restaurant. Ce sont des plans-séquences, et nous, on ne se couvre pas avec un autre axe de caméra de façon à monter dans la scène de façon découpée. On préfère un plan fixe, et du rythme dans la parole et le jeu. Cela impose aux comédiens d’assurer. Et ils ont assuré gravissimement ! Ils ont un sens de l’humour, un sens du rythme, nous étions bluffés dès le départ.
La forme du film est importante pour que la logique burlesque s’impose. Le corps doit se cogner au cadre. Comment avez-vous travaillé la mise en scène du film ?
Gustave Kervern : C’est ce qui nous excitait, trouver des tas d’axes différents pour filmer ces deux corps. Cacher, voir. Notre hantise était que la situation de départ soit glauque, ou trop graveleuse. On les montre en pied au début, pour voir bien la situation, puis, il nous fallait varier les plans, attraper les visages, de sorte que leur proximité corporelle ne soit plus le sujet. On devait trouver une forme qui nous fasse oublier qu’ils sont collés.
Gustave Kervern : Chaque plan doit être beau et avoir du sens, afin que la condition burlesque atteigne aussi une émotion. On cadre sur l’un pour être dans sa tête. Le surgissement de l’autre provoque le rythme et le rire. Il nous fallait faire oublier aux spectateurs le côté glauque du départ.
Le cadre agit souvent de façon à jouer avec les corps, en cachant ou révélant, en chutant ou trouvant le bon rythme – une tête en bas du cadre, un poteau dans un restaurant qui cache le protagoniste, le corps de l’un cache le corps de l’autre, ou l’hydre à deux têtes surgit, un plan large nous permet de voir le mouvement des pas cadencé etc.
Benoît Delépine : Avec notre chef opérateur, sur le tournage, nous cherchons à chaque plan quelque chose qu’on n’a jamais vu.
Gustave Kervern : Sans que ce soit esthétisant non plus.
Benoit Delépine : Pour le poteau dont vous parlez, c’est une scène qu’on a tournée au début. Comme Jonathan Cohen est très fort, qu’il est hâbleur, et qu’on ne voulait pas que ça fasse stand up, pour le déstabiliser un peu – pas du tout de façon méchante, on a placé la caméra derrière un poteau. Il connaît la mise en scène et capte l’astuce car il voit bien où on se met. On lui dit que c’est marrant. On y va. La scène est géniale, ça donne un truc intéressant. On voit la tête de veau, son nez dépasse parfois, ça crée quelque chose de plus fort qu’une caméra sur lui. Une étrangeté qui colle bien au film. On n’a même pas fait d’autre axe. Ce sont des choses qu’on voit en situation. De la même façon, la voiture électrique qu’ils utilisent, elle existe. C’est Ségolène Royal qui, il y a plusieurs années, avait eu l’idée de faire fabriquer des voitures électriques par un groupe, Heuliez. Elle était trop en avance, il n’y avait aussi que 60 bornes d’autonomie. Bref, il y a encore quelques voitures comme ça qui traînent dans mon coin, en Charente. Le siège avant est au milieu ; c’est une fausse bonne idée, quand tu roules, tu es content, mais pour doubler, il faut vachement se pencher sur le côté. Enfin, du coup, il y a de l’espace de part et d’autre du volant, ce qui laisse des possibilités de cadre différents d’avec une voiture classique, où tous les cadres se ressemblent. Dans la scène où ils sont tous les deux assis l’un sur l’autre, on peut avoir un plan avec Jonathan seul, derrière le dos de Vincent. Je le trouve beau, touchant, ce plan.
Dans une séquence, ils se retrouvent chez un vétérinaire – un ami de l’un, dans un box prévu pour soigner les chevaux. L’effet est bien sûr très drôle. Ensuite, le vétérinaire va leur apprendre à marcher ensemble, la séquence se termine avec un plan vu d’au-dessus permettant de voir l’agilité du mouvement, l’harmonie du duo. Mécanique burlesque des gestes.
Benoît Delépine : On ne connaissait pas du tout ce type de box, on cherchait au départ un vétérinaire avec des animaux en cage, plus classique. Au moment des repérages, Fabrice, de notre équipe, nous propose d’aller voir cette clinique vétérinaire. En la visitant, nous assistons à une opération, nous sommes fascinés. On lui demande tout de suite s’il est possible de venir tourner entre deux opérations.
Gustave Kervern : Nous avions écrit une scène chez un vétérinaire, mais en découvrant ce lieu, on a réécrit. Au lieu d’une scène parlée dans un couloir, on va dans le box à cheval, c’est immédiatement comique visuellement.
Benoît Delépine : Pour faire le plan, vu du dessus, dont vous parlez, avec le côté entrainement équestre, il nous fallait prévoir avant le matériel adéquat. En revanche, l’idée de placer les projecteurs de façon à mieux voir les ombres s’est trouvée pendant le tournage.
Gustave Kervern : On ne fait jamais de plans de haut comme ça, c’est souvent trop esthétisant. Ou alors, les plans réalisés avec un drone, ça nous fait chier. On essaie de rester dans des cadres un peu normaux, avec des idées un peu marrantes.
Benoît Delépine : On n’est pas loin des débuts du cinéma. Quelque chose de très primitif. Avec des plans fixes, et beaucoup de choses à l’arrière-plan. Du burlesque quoi. Les idées visuelles sont rarement liées au mouvement de la caméra. C’est pourquoi on peut tourner avec de petites équipes, de façon assez libre. On a tourné en un mois, ce qui est peu. Tourner de nuit a apporté une magie supplémentaire. Avec la caméra qu’on a choisie, capable notamment de bien capter les détails la nuit, on voit des choses qui nous échappaient à l’œil nu.
C’est un film fondé aussi sur des dialogues très vifs, très drôles, débités sur un rythme rapide approchant d’un cinéma de screwball comedy (sous genre de la comédie qui combine humour burlesque et dialogues vifs).
Gustave Kervern : Je ne sais pas si les dialogues sont plus vifs que d’habitude. Peut-être le fait qu’ils soient davantage ramassés entre les deux personnages principaux, qu’il y ait moins de séquences que d’habitude explique cela.
Benoît Delépine : La séquence au restaurant, au début, avec les deux personnages est quasiment construite sur le modèle d’un débat d’avant second tour de l’élection présidentielle. Deux mecs face à face, avec de vrais arguments pour essayer de convaincre – l’emploi d’un côté, l’écologie et la nature de l’autre. On ne peut pas avoir de silence là-dedans. C’est pareil dans le monde politique. La parole est ici importante parce que les politiques sont censés manier le verbe avec habileté.
Gustave Kervern : Les deux acteurs ont peut-être un débit de parole supérieur à la moyenne. Ils donnent aussi le rythme au film. On avait beaucoup écrit, il fallait donc l’énergie de leur duo pour apporter du rythme. Compacter le récit. Nous n’avons pas de référence cinématographique précise. On a démarré avec nos premiers films quasiment sans dialogue. On aimait la lenteur aussi. On a ensuite ajouté quelques dialogues, et un peu de musique. On essaie de chercher de nouvelles choses, de ne pas nous répéter.
Benoît Delépine : On n’a pas de référence consciente en tout cas, qui nous accompagne pendant la préparation d’un film. Je viens de revoir un extrait d’un film de Francis Veber qui m’avait marqué, Le jouet. C’est extraordinaire, les idées de cadre sont super, les dialogues fusent. Avec un fond hyper politique.
Vous avez vu Deux en un des frères Farrelly – l’histoire de deux frères siamois, collés, aux personnalités opposées ?
Benoît Delépine : Non, faut qu’on le voie, on adore les frères Farrelly, Mary à tout prix, Dumb et Dumber. Je suis curieux de voir comment ils s’en sont sortis. Il existe au moins un autre film avec deux corps collés, peut-être l’un des plus beaux de l’histoire du cinéma, c’est Freaks de Todd Browning, avec les deux jumelles siamoises. C’est magnifique.
En même temps, réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern, en salle depuis le 6 avril.