Cinéma

Dominique Marchais : « Je milite pour restaurer la puissance politique de l’émerveillement »

Critique

Qu’est-ce que voir ? Avec La rivière, son quatrième film, qui vient de recevoir le prestigieux prix Jean Vigo, Dominique Marchais se propose d’inventorier quelques manières de le faire, et d’apprendre à le faire. Il revient ici en longueur sur sa démarche et celles, politiques et désespérément minoritaires, de ses protagonistes.

Un sentiment de forte dissonance saisit le spectateur devant La Rivière, le quatrième long métrage de Dominique Marchais. Confortablement installé dans ces paysages harmonieux, en bonne compagnie auprès d’experts à la parole savante et claire, on reste pourtant interdit par le récit prophétique d’apocalypse qui se lit dans l’appauvrissement des sols et de la biodiversité à qui sait les observer. En 2014, La Ligne de partage des eaux furetait dans le vaste territoire hétérogène du Bassin versant de la Loire. La Rivière prône l’unité de lieu. Le cinéaste enfile ses bottes et pose sa caméra dans le gave de Pau, interrogeant ceux qui travaillent à son étude et sa préservation. Face à ce film qui regarde des gens qui regardent, on est pris d’une violente envie de changer de vie. Alors qu’il vient de recevoir le Prix Jean Vigo et que paraît un passionnant ouvrage mêlant essai et entretien sur sa filmographie[1], Dominique Marchais évoque de ce qu’est une rivière en opérant par la parole les mêmes changements d’échelles que ceux que travaillent son film. La rivière, définition. RP

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On se sent en bonne compagnie dans La Rivière qui fait pourtant un constat profondément angoissant sur l’avenir de notre relation à la nature.
Je voulais un film fait de beauté et de désastre, à la fois doux et dur, lent et rapide. Dans sa préparation, j’ai rencontré certaines personnes avec lesquelles je me sentais condamné au vouvoiement. Pour moi, cela a été une bonne raison de ne pas les filmer. Le tutoiement est ainsi devenu un critère de sélection des protagonistes. Par exemple, je ne connaissais pas Gilles Bareille qui est biogéochimiste au CNRS. Pourquoi nous sommes-nous tutoyés au bout de cinq minutes ? Sans doute parce que ce que la liste des personnes que j’avais déjà rencontrées et ce que je lui ai expliqué de mon projet lui ont donné envie de s’inclure dans ce « nous » parce qu’il a compris que ce serait un film sur les amoureux et les défenseurs de la nature. Dans La Ligne


[1] Dominique Marchais, Le Temps d’un regard, Quentin Mével et Stratis Vouyoucas, Editions Playlist Society, novembre 2023.

Notes

[1] Dominique Marchais, Le Temps d’un regard, Quentin Mével et Stratis Vouyoucas, Editions Playlist Society, novembre 2023.