Ana Vaz : « Je veux faire un cinéma du vivant »
En se promenant dans Brasilia où elle est née, l’artiste Ana Vaz a observé un nombre croissant de présences animales dans la capitale brésilienne, vivants aussi bien que morts. Dans cette symphonie d’une grande ville librement inspirée de La Cosmopolitique des animaux de la philosophe Julia Fausto, elle traverse Brasilia à rebours de son Axe Major, dans une nuit qui n’en finit pas, augmentée par la nuit américaine dans laquelle elle plonge ses images tournées en pellicule. Dans ce voyage spectral hanté par la musique de son père, le compositeur Guillerme Vaz, elle questionne notre rapport intime et politique à l’Animal. RP

Il fait nuit en Amérique traque des animaux sauvages qui s’immiscent dans la ville de Brasilia. On ne peut s’empêcher de se demander comment vous les avez découverts. D’autant que se crée un subtil jeu de regard qui donne un sentiment de grande proximité avec eux.
Dans les situations où ces animaux sauvages arrivent en ville, les riverains appellent la police environnementale qui vient les secourir. C’est en faisant des rondes avec eux que j’ai pu filmer un grand nombre d’espèces. Il n’était évidemment pas question de déplacer des animaux pour les emmener en ville afin de les filmer : j’ai donc travaillé dans le sens du montage pur en créant des raccords de regard entre eux et nous. Quand les soigneurs du zoo se tournent vers les animaux, je ne sais plus qui regarde qui, qui est captif de cette situation. J’ai eu progressivement envie de chercher à comprendre les vétérinaires, les militaires de la police environnementale et cela a changé ma façon de voir le monde. J’ai fini le film avec bien moins de réponses que je n’en avais avant de le commencer. Aujourd’hui, dans la plupart des zoos au Brésil, 90% des espèces sont rescapées : les zoos deviennent des camps de réfugiés. Cela m’a questionnée qu’une institution directement liée au pouvoir colonial qui chassait jadis les animaux pour les exposer en signe de domination devienne soudain un