Rocio Noemi Martinez : « Le zapatisme s’inscrit dans l’héritage des luttes indigènes »
Le 1e janvier 1994, une mystérieuse Armée Zapatiste de Libération nationale (EZLN) faisait irruption sur la scène internationale en occupant des villes de l’État du Chiapas, au sud-est du Mexique, dont sa capitale historique San Cristobal de Las Casas, déclenchant ainsi un soulèvement qui allait avoir un retentissement inédit. Depuis, le mouvement s’est beaucoup transformé. Abandonnant vite la lutte armée pour organiser « l’autonomie » selon des formes toujours changeantes, il est parfois difficile d’en bien saisir les contours. Beaucoup de commentateurs s’en tiennent souvent aux communiqués officiels de l’EZLN et aux déclarations de ses porte-paroles – à commencer par celles du très charismatique sous-commandant Marcos – sans toujours s’intéresser à la vie concrète, quotidienne, matérielle et rituelle des communautés indiennes – un escamotage qui favorise d’ailleurs souvent un certain exotisme militant (comme le XXe siècle en a tant connu avec la Russie, la Chine, Cuba, et d’autres lutes latinoaméricaines).

Trente ans après le soulèvement, nous revenons donc sur quelques aspects moins connus du mouvement, sur ses origines et sur l’actualité d’une rébellion qui dure dans le temps et dans les imaginaires des luttes internationales, avec Rocio Noemi Martinez, historienne de l’art (UNAM) et anthropologue (EHESS), actuellement enseignante à l’Université Autonome du Chiapas, membre de l’Université de la Terre et de l’espace Mujeres de la Sexta Jovel (femmes adhérentes à la Sixième déclaration de la forêt Lacandone et à la déclaration pour la vie). C’est à l’occasion d’une visite dans le Chiapas et de nombreuses discussions amicales que nous avons eu l’idée de cet entretien. CL et MdD
Le zapatisme, c’est d’abord un territoire : le Chiapas. Pouvez-vous revenir sur sa singularité ?
Il est important de situer le Chiapas dans l’histoire du Mexique. C’est un espace intermédiaire, abandonné au sud du pays, à la frontière du Guatemala, qui s’est fédéré à la nation mexi