Rediffusion

Jia Zhang-ke : « Il existe, en Chine, un puissant courant négationniste »

Critique

Cette année, au Festival de Cannes, était présentée la dixième fiction de Jia Zhang-ke, Caught By The Tide. À cette occasion, le réalisateur chinois revient sur son engagement à documenter l’histoire de la Chine, la nécessité de contrebalancer les récits officiels et l’importance du rôle des artistes dans un pays en proie au négationnisme et à la répression de la critique. Rediffusion d’un article du 18 mai 2024.

En janvier 2020, Jia Zhang-ke a présenté à Berlin Swimming Out Till The Sea Turns Blue, un documentaire qui retrace l’histoire de la mutation de la Chine agraire en un pays ultra urbanisé, et accompagné à la Cinémathèque française d’une rétrospective qui lui était consacrée. Le chef de file du cinéma d’auteur chinois qui s’engage aussi dans la production et la diffusion, n’était pas revenu en Europe depuis la pandémie de Covid 19.

publicité

Le Festival Visions du réel qui a eu lieu à Nyon en Suisse au mois d’avril a été bien inspirée de l’inviter pour présenter le pan documentaire d’une œuvre tournée vers l’hybridité et la porosité des formes, programmation couronnée d’une master class d’une grande générosité. Avant la présentation de sa dixième fiction Caught By The Tides au Festival de Cannes ce samedi 18 mai, Jia Zhang-ke évoque son souci ininterrompu de faire le portrait de son pays, marqué par des bouleversements rapides et radicaux, la nécessité d’en raconter l’Histoire confisquée par les récits officiels et l’« utilité » des artistes dans un pays où le négationnisme est fort et la critique du système jugée antinationale. RP

Cela fait près de trente ans que vous racontez dans des fictions, des documentaires ou des formes qui hybrident les deux, les changements économiques, politiques, sociaux que traverse votre pays. Votre nouvelle fiction, Caught By The Tides mélange une époque légèrement futuriste avec des archives plus anciennes.
Pendant la pandémie, j’étais reclus chez moi, le monde s’était arrêté. Je me suis alors repenché sur une grande quantité de rushes datant de 2001 dont j’avais oublié l’existence. À cette époque, j’avais 31 ans. Nous étions une toute petite équipe, dont la comédienne Zhao Tao faisait déjà partie, à commencer à s’essayer à tourner des films. Dès qu’un endroit nous plaisait, on tournait, sans écrire préalablement, sans se soucier des étapes habituelles à la fabrication d’un film. Parfois avec un début d’histoire, mais le plus souvent,