Vera Bogdanova : « Nous sommes écrasés par la sensation de manque d’avenir »
Née en 1986 à Moscou, Vera Bodganova a commencé par écrire des textes de science-fiction. Saison toxique pour les fœtus [NDLR – dont les premières pages ont été prépubliées dans AOC], paru à la rentrée chez Actes Sud, n’est, quant à lui pas du tout un roman dystopique. Mais un roman d’amour, entre Jénia et son cousin Ilia. Une histoire de la Russie sous Eltsine, puis Poutine, des années 1990 au milieu des années 2010. Quand tout fout le camp, ou au contraire se grave dans le marbre des violences héritées que ces années de post-perestroïka ont fait flamber en Tchétchénie, dans le métro moscovite, dans les familles. Jénia et Ilia, empêchés par les traditions et leurs propres impossibles, errent dans une société alcoolisée. Dacha, pourtant rebelle, se prend les coups de son mari. Retour en arrière sur des enfants devenus adultes aujourd’hui, ce roman générationnel dédié « À mes impératrices » a été sélectionné par plusieurs prix littéraires en France. Nos échanges avec cette jeune représentante de la littérature russe contemporaine, qu’on connaît mal et qu’on a sans doute du mal à aimer depuis la guerre en Ukraine, ont été traduits par Laurence Foulon, la traductrice de Saison toxique pour les fœtus. G. F.-G

Qu’est-ce qui vous a inspiré l’écriture de ce roman ?
L’idée est venue après avoir lu le roman Normal People de Sally Rooney. J’ai réfléchi aux différences qui existaient entre la génération des milléniaux qui avaient grandi en Russie et celle que décrit Sally Rooney. Ce sont deux générations résolument différentes, si on considère la structure des sociétés, l’histoire, et aussi ce qui s’est passé dans les années 1990 : l’effondrement de l’URSS, le chaos, nos parents qui ne savaient pas comment gagner leur vie, qui ont connu la faim, le terrorisme et un niveau de criminalité élevé. Tout cela a contribué au développement du sentiment d’insécurité. C’était une période très dangereuse. Je me suis alors demandé quelles étaient les particularités des milléniau