Musique

Rodolphe Burger : « La voix est une présence que les mots ne sauraient complètement remplacer »

Philosophe et écrivain

Avalanche, le septième album de Rodolphe Burger, est moins un disque qu’un lieu où tous les compagnons, les proches amis qui sont partis comme les grands auteurs qu’on n’a jamais connus mais qui, pourtant, nous accompagnent intimement, sont une dernière fois conviés, faisant entendre leurs mots et leur voix – ultime incarnation. Un album habité, donc, mais qui n’a rien d’un disque funèbre car la légèreté sans cesse y dispute le tragique.

Quatre ans après Environs, enregistré à Sainte-Marie-aux-Mines, où il créa il y a vingt-trois ans le festival « C’est dans la vallée », Rodolphe Burger sort Avalanche, septième album solo d’une carrière peu avare en détours et en chemins de traverse. Il vient après les décès de Jean-Luc Nancy et Pierre Alferi, deux grands amis au long cours dont les présences hantent le disque, mais il est tout sauf funèbre. Ce qui frappe à l’écoute des douze chansons est la variété des tons, du grave au léger, de l’ironique au féérique, du drôle au lyrique. Rarement la palette de Rodolphe Burger fut aussi grande. Nous avons reproduit au fil des réponses des extraits des textes qui sont évoqués dans l’entretien. B.G.

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Avalanche est un album peuplé de voix et de noms. On y trouve les amis de toujours, les textes canoniques, les grands anciens et les fausses bluettes. Moins un disque qu’un lieu où l’on convierait tous les compagnons à un dernier banquet, où les retrouvailles importeraient autant que les chansons qui les permettent et les suscitent. On retrouve (Lenz et Olivier Cadiot) et on dit adieu (à Pierre Alferi et à Jean-Luc Nancy). Comment as-tu composé, c’est-à-dire réuni, ces présences ? Un album est-il d’abord, ou aussi, cela ?
C’est en effet un album habité. Non seulement par les auteurs des textes des chansons, mais aussi très concrètement par des voix d’amis chers qui sont partis. Avec eux, autour d’eux, Jakob Lenz, Conrad Aiken, Georg Büchner, Dylan Thomas, etc. Une sorte de constellation qui traverse les âges, où il est question de traditions plus ou moins détournées, de lectures favorites, de traductions, de souvenirs d’enfance et de projets partagés. Dans « En Bleu Adorable », on entend la voix de Jean-Luc Nancy lisant sa traduction, qui est en vérité une retraduction, d’un poème de Conrad Aiken. Je dis le texte anglais, il dit sa traduction. Nos voix se répondent. L’occasion était une invitation d’un festival belge à performer ensemble[1]. On avait découvert


[1] Il s’agit du Festival des rencontres inattendues à Tournai, qui se déroule à la fin du mois d’août. Jean-Luc Nancy est décédé le 23 août 2021. La performance n’a eu lieu qu’en studio.

[2] Le spectacle a été créé dans la chapelle de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, au mois de mai 1975. Il s’agissait d’une adaptation libre du Faust de Goethe. Voici, par exemple, ce qu’en écrivait Michel Cournot dans le journal Le Monde, le 24 mai 1975 : « Il faut beaucoup de bonne volonté pour lutter contre ces cinq heures d’esbroufe hautaine et d’ennui. Cette garden-party élitaire est on ne peut plus déplacée dans l’enceinte d’un hôpital. Combien doit-on regretter que si peu de gens aient pu voir l’adaptation modeste et forte que Jean Launay avait faite des deux Faust à Nice en juin 1973 ! »

Bastien Gallet

Philosophe et écrivain

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Notes

[1] Il s’agit du Festival des rencontres inattendues à Tournai, qui se déroule à la fin du mois d’août. Jean-Luc Nancy est décédé le 23 août 2021. La performance n’a eu lieu qu’en studio.

[2] Le spectacle a été créé dans la chapelle de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, au mois de mai 1975. Il s’agissait d’une adaptation libre du Faust de Goethe. Voici, par exemple, ce qu’en écrivait Michel Cournot dans le journal Le Monde, le 24 mai 1975 : « Il faut beaucoup de bonne volonté pour lutter contre ces cinq heures d’esbroufe hautaine et d’ennui. Cette garden-party élitaire est on ne peut plus déplacée dans l’enceinte d’un hôpital. Combien doit-on regretter que si peu de gens aient pu voir l’adaptation modeste et forte que Jean Launay avait faite des deux Faust à Nice en juin 1973 ! »