Yassin al-Haj Saleh : « Les Syriens jouent désormais un rôle dans la conversation sur le futur du monde »
L’écrivain Yassin al-Haj Saleh a été une figure de l’opposition au régime syrien. Arrêté à l’âge de vingt ans, il a passé seize années dans les prisons d’Hafez al-Assad. En 2011, il s’est engagé dans la révolution et a gagné les zones libérées en 2013. Cette année-là, sa femme Samira al-Khalil a été enlevée par un groupe islamiste ayant pris le pouvoir dans la zone où elle s’était installée, deux de ses frères ont été enlevés par Daech, dont l’un n’a jamais réapparu. Yassin al-Haj Saleh a été contraint à l’exil, en Turquie d’abord puis à Berlin, où il vit toujours. Il a écrit des ouvrages majeurs dont trois ont paru en français : Récits d’une Syrie oubliée. Sortir la mémoire des prisons (Les prairies ordinaires, 2015), La Question syrienne (Actes Sud, 2016), Lettres à Samira (Éditions des Lisières, 2021). Sur la liberté : la maison, la prison, l’exil… et le monde paraîtra le 15 janvier aux Éditions de L’Arachnéen. Yassin al-Haj Saleh est aussi l’un des fondateurs de la revue en ligne Al Jumhuriya.
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, deux semaines après la chute du régime et juste avant de retourner pour la première fois en Syrie après onze ans d’exil, il revient sur le long combat mené par les Syriens, mais aussi sur les représentations qui prévalent dans le monde occidental et qu’il entend bousculer. La remise en cause de nos paradigmes semble plus que jamais nécessaire, afin d’appréhender la pleine signification de la révolution syrienne. J. A.

Qu’as-tu ressenti à l’annonce de la chute du régime de Bachar al-Assad ?
D’abord de l’incrédulité. Nous avions vécu un cauchemar pendant des décennies, un cauchemar devenu très sanglant ces treize dernières années, et tout s’effondrait comme un château de sable. De la joie aussi. J’étais en France quand c’est arrivé, je suis allé au rassemblement organisé place de la République le dimanche 8 décembre. En arrivant, j’ai étreint quelqu’un, je ne me souviens plus qui, et j’ai pleuré. Je ressens toujours un mélange