Cinéma

Nadav Lapid : « Ce film a été tourné comme dans un pays ennemi »

Critique

« Dans le monde aujourd’hui, le Non est archaïque et il ne reste plus que le prix à payer pour le Oui », confie le réalisateur Nadav Lapid à propos de son nouveau long métrage, présenté à Cannes et précisément titré Yes. Un film dont le projet était « la mort de l’art » et dont l’objet est devenu – par la force des événements survenus le 7 octobre et chacun des jours qui ont suivi – « la mort tout court ».

Dans une fête d’anniversaire survoltée, Y. et sa femme Jasmine, de jeunes artistes fauchés, côtoient la haute bourgeoisie israélienne auprès de laquelle ils se prostituent en attendant de vivre de leurs talents : la musique pour lui, la danse pour elle. Écrit en 2023, Yes, le cinquième long métrage de Nadav Lapid, intègre à son récit de couple en guerre perpétuelle la propagande furieuse qui hystérise la société israélienne et le génocide à Gaza. Y., l’alter ego du cinéaste, qui apparaît pour la quatrième fois dans son cinéma, a toujours été un personnage de parole.

Pour Synonymes, il rejetait sa langue maternelle, celle dans laquelle il avait été contraint de faire la guerre. Dans Le Genou d’Ahed, il s’opposait à une employée du ministère de la Culture qui voulait contrôler sa parole, éructant avec force et violence son refus. Dénué de toute conscience politique, ce nouveau Y. se voit confier la composition d’un hymne guerrier de propagande pour le 69e anniversaire de son pays, commande qui lui assure la fortune mais amplifie la guerre qui se livre au sein de sa sphère intime. Dans cette tragédie musicale sous stéroïdes, sorte de La La Land en roue libre au pays du nationalisme, Lapid pousse, à fond tous les curseurs, l’observation de l’obscénité, de l’idiotie. Il ouvre aussi son cinéma formaliste, intellectuel et testosteronné à des émotions nouvelles : on rit beaucoup dans le carnaval décadent de la haute bourgeoisie, on pleure aussi à l’évocation des attaques du 7 octobre puis dans le plan qui fait face à une Gaza pilonnée de bombardements. RP

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Pour la première fois avec Yes, Y., votre personnage, est un musicien, ce qui fait sens car le volume, le rythme, sont très importants dans vos films. Est-ce que vos films s’écoutent plus qu’ils ne se regardent ?
C’est l’histoire d’un musicien qui met sa musique au service du mal jusqu’à bombarder Gaza avec des notes en forme de missiles. Le film commence avec Be My Lover, qui est une chanson de soumission, puis,