Récit

« Ce qui est beau dans votre combat… »

Écrivain

De la mi-septembre à la fin octobre 2017, l’écrivain Arno Bertina s’est entretenu longuement avec les ouvriers de l’usine GM&S de La Souterraine, en Creuse, alors que cent d’entre eux venaient de recevoir leur lettre de licenciement. De cette enquête singulière est né ce texte littéraire, le premier qu’AOC publie.

La beauté des gens qui ont encore une espèce d’espoir et de dignité
quel que soit le milieu dont ils sortent.
John Cassavetes
Celui qui combat risque de perdre, celui qui ne combat pas a déjà perdu.
Bertolt Brecht

 

Je rencontre une première fois les salariés de GM&S (comme « Grand Moment de Solitude » me dira un tag sur la porte d’entrée) le 13 septembre 2017 (1). Deux semaines plus tôt l’usine d’emboutissage est devenue la propriété d’un certain monsieur Martineau, dont l’offre a été validée par le tribunal de commerce de Poitiers. Une semaine plus tard les lettres de licenciement parviennent aux 100 ouvriers que le repreneur ne garde pas puisque sur les 277 salariés 120 seulement conservent leur travail (en plus de la centaine que je viens de mentionner, 57 partent avec une corde au cou volontairement à l’insu de leur plein gré). Et le 28 septembre, je commence des entretiens individuels au long cours (2).

L’usine GM&S est installée à La Souterraine, en Creuse. Pour qui écoute les mots qu’il prononce, ces deux noms fouissent le même trou. Quand tu habites La Souterraine déjà, même avec un travail et une vie heureuse, il y a obligatoirement en toi quelques petites digues mentales dressées pour ne pas entendre ou voir ce que pointe le nom de la ville, cette vie de cave, de terrier, de rat-taupe, de clandestin. Et comme si ça ne suffisait pas, il faut encore situer cette ville en France, car elle n’est pas connue : « La Souterraine, en Creuse ». Ça creuse, ça enfouit, ça sent le tunnel, la tombe, la cave encore.
On a touché le fond mais on creuse encore.
Les salariés de la GM&S n’ont peut-être pas eu si souvent l’occasion de dire qu’ils travaillaient à La Souterraine, en Creuse, du temps qu’ils y travaillaient dans l’indifférence — en quelque sorte — du reste du pays, parce qu’ils travaillaient, parce que l’usine prospérait. Mais depuis un an qu’ils se battent pour préserver l’emploi ou obtenir des indemnités de licenciement significatives, ou plutôt depuis qu’ils


(1) Grâce à l’entremise d’Hugues Bachelot que je ne remercierai jamais assez.
(2) Dans le même temps je vais participer à la réalisation de sept portraits vidéos pilotés par Laurence Pache et publiés sur le site de Télérama le mardi 24 octobre.
(3) « Il y en a peu mais il y en a (Dagard à Boussac, Eurocoustic à Genouillac, et quelques autres sites, plus petits) », m’écrit Laurence Pache.
(4) Patrice Mancier : « Le principe est simple : il faut tout le temps rapporter plus. Aussitôt qu’un poste de travail a des trous de 25 secondes, les types cherchaient ce qu’ils pouvaient donner à faire au gars pendant ces 25 secondes. C’est la chasse aux temps morts, on ne peut plus respirer. Alors c’est sûr, c’était pas drôle, mais au moins il y avait encore du boulot. »
(5) Géraldine Messina, dans une chronologie rédigée pour le journal Le Populaire.
(6) À sa demande, j’ai changé les nom et prénom de cet homme.
(7) Stéphane Ledormand : « Ils procèdent toujours de la même façon : ils achètent pour rien une entreprise, au tribunal — ils en ont 45 dans le monde —, ils lui imposent une SCI et donc un loyer qui siphonne la trésorerie. Le scandale c’est que l’État, via la Banque publique d’investissement, est alors actionnaire de l’entreprise à hauteur de 20 %. On pourrait dire que l’État s’est fait enrhumer par Altia, mais en fait non ! Quand est-ce qu’ils leur ont réclamé l’argent public qui a disparu ? Quand est-ce qu’ils leur ont demandé des comptes — ils étaient actionnaires, ils devaient demander des comptes ! » De fait une plainte est bien en cours d’instruction (déposée notamment par la Banque publique d’investissement !), ainsi qu’une enquête pour abus de biens sociaux, faux et escroquerie. Si créer cette SCI et imposer à l’usine ces loyers revenait à utiliser la loi, d’autres remontées de cash doivent être jugées, certaines semblant parfaitement frauduleuses. Sur l’enrichissement personnel des trois dirigeants d’Altia, on ne peut que renvoyer à l’enquête de Dan Israel publié

Arno Bertina

Écrivain, Romancier

Rayonnages

FictionsRécit

Notes

(1) Grâce à l’entremise d’Hugues Bachelot que je ne remercierai jamais assez.
(2) Dans le même temps je vais participer à la réalisation de sept portraits vidéos pilotés par Laurence Pache et publiés sur le site de Télérama le mardi 24 octobre.
(3) « Il y en a peu mais il y en a (Dagard à Boussac, Eurocoustic à Genouillac, et quelques autres sites, plus petits) », m’écrit Laurence Pache.
(4) Patrice Mancier : « Le principe est simple : il faut tout le temps rapporter plus. Aussitôt qu’un poste de travail a des trous de 25 secondes, les types cherchaient ce qu’ils pouvaient donner à faire au gars pendant ces 25 secondes. C’est la chasse aux temps morts, on ne peut plus respirer. Alors c’est sûr, c’était pas drôle, mais au moins il y avait encore du boulot. »
(5) Géraldine Messina, dans une chronologie rédigée pour le journal Le Populaire.
(6) À sa demande, j’ai changé les nom et prénom de cet homme.
(7) Stéphane Ledormand : « Ils procèdent toujours de la même façon : ils achètent pour rien une entreprise, au tribunal — ils en ont 45 dans le monde —, ils lui imposent une SCI et donc un loyer qui siphonne la trésorerie. Le scandale c’est que l’État, via la Banque publique d’investissement, est alors actionnaire de l’entreprise à hauteur de 20 %. On pourrait dire que l’État s’est fait enrhumer par Altia, mais en fait non ! Quand est-ce qu’ils leur ont réclamé l’argent public qui a disparu ? Quand est-ce qu’ils leur ont demandé des comptes — ils étaient actionnaires, ils devaient demander des comptes ! » De fait une plainte est bien en cours d’instruction (déposée notamment par la Banque publique d’investissement !), ainsi qu’une enquête pour abus de biens sociaux, faux et escroquerie. Si créer cette SCI et imposer à l’usine ces loyers revenait à utiliser la loi, d’autres remontées de cash doivent être jugées, certaines semblant parfaitement frauduleuses. Sur l’enrichissement personnel des trois dirigeants d’Altia, on ne peut que renvoyer à l’enquête de Dan Israel publié