Le Trésorier-payeur
Lors d’un séjour à Béthune, il y a quelques années, j’ai visité l’ancienne Banque de France. Elle était en chantier car on la transformait en centre d’art. Je pris plaisir, ce jour-là, à déambuler sous la conduite de son futur directeur à travers la grande salle des Guichets, celle des Coffres, celle aussi des Archives aux immenses classeurs muraux ; nous traversâmes la serre des monnaies, avec sa coursive, ses pupitres à roulettes et son monte-charge ; et je fus convié à admirer cette chambre froide où l’on stockait naguère les billets usagés.
En gravissant les deux étages de ce somptueux édifice, où de larges espaces en enfilade donnaient aux lieux un air de château bourgeois, je rêvassais à la vie des employés, que je me figurais aussi obscure que romanesque, quand mon guide approcha d’une fenêtre et attira mon attention sur une maison de briques rouges à deux étages, qui semblait abandonnée.
Il m’apprit qu’elle avait appartenu à quelqu’un qu’il appelait le « Trésorier-payeur » ; il ajouta que cette maison était reliée à la banque par un sous-terrain aujourd’hui bouché.
Au moment où il me révéla ce détail, il se tourna brusquement vers moi, un éclat ironique passa sur son visage ; je compris que son objectif était atteint : il avait déclenché ma curiosité, un roman scintillait, j’étais pris.
Cet éclat sur le visage du directeur m’avait semblé louche, autant que cette histoire de tunnel, trop belle pour être vraie ; pourtant, elle me fascina. Tout le reste de la journée, je ne pensais qu’à ça, au tunnel, aux trous, à l’obsession qui nous les fait creuser. Non seulement je pensais à cet invraisemblable trou creusé sous la Banque de France, mais déjà moi-même, en y pensant, je ne cessais de creuser. Le tunnel, je le voyais, je m’y engouffrais, et déjà je le continuais.
En rentrant à Paris, l’obsession se mit à grandir : je ne pensais qu’au tunnel du Trésorier-payeur. J’en rêvais, même. Je ne cessais la nuit d’arpenter ce long trou qui reliait dans mon imagination la